DOI: 10.5553/AJ/2352068X2017003001005

African Journal of International Criminal JusticeAccess_open

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Le jugement de Hissène Habré

Une justice réparatrice exemplaire?

Keywords Restorative justice / justice réparatrice, victim / victime, reparation / réparation, Trust Fund for Victims / Fonds au profit des victimes, compensation / indemnisation
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Etienne Kentsa, 'Le jugement de Hissène Habré', (2017) African Journal of International Criminal Justice 44-59

    The ruling of the African Extraordinary Chamber of Appeal in the Habré case is a resounding precedent, particularly in the area of reparations for victims of serious violations of international law. This article focuses on the process of identifying victims or beneficiaries of reparations and the reasons that led judges to favor compensation as a form of reparation. Moreover, the modalities for the implementation of reparations awarded are of paramount importance since, in the absence of effective remedies, the interest of the procedure would be considerably diminished. The implementation of reparations will certainly be the ultimate battle of the victims. Funding for the Trust Fund for Victims (FPV) is still expected. The Fund is expected to play a key role in implementing reparations for victims, the final judgment in this case is already an important precedent. Not only does it contribute to the consolidation of some advances in international criminal law in the field of restorative justice, but it also symbolizes Africa’s ability to prosecute and try the most serious international crimes committed in the region.
    L’arrêt rendu par la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel dans l’affaire Habré est un précédent retentissant notamment dans le domaine des réparations au profit des victimes de violations grave du droit international. En fait, la présente contribution s’attarde sur le processus d’identification des victimes ou bénéficiaires des réparations et les raisons ayant amené les juges à privilégier l’indemnisation comme forme de réparation. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre des réparations ordonnées sont d’une importance capitale dans la mesure où en l’absence d’effectivité des réparations allouées, l’intérêt de la procédure serait considérablement amoindri. La mise en œuvre des réparations constituera certainement l’ultime bataille des victimes. Le financement du Fonds au profit des victimes (FPV) est toujours attendu. Pourtant le Fonds est censé jouer un rôle déterminant dans la mise en œuvre des réparations allouées aux victimes. Au demeurant, l’arrêt définitif dans cette affaire constitue déjà un précédent important. Non seulement, il contribue à l’affermissement de certaines avancées du droit international pénal en matière de justice réparatrice, mais surtout symbolise la capacité de l’Afrique à poursuivre et juger les crimes internationaux les plus graves commis dans la région.

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      L’affaire Habré est une illustration parfaite des difficultés de l’opérationnalisation de la justice pénale internationale qui demeure à plusieurs égards « énigmatique »1x « Aujourd’hui encore, punir reste une activité énigmatique », pointait M. CUSSON en 1987; voir de cet auteur, Pourquoi punir ?, Paris, Dalloz, 1987, p. 1.. C’est en effet l’une des affaires pénales à avoir retenu le plus l’attention de la doctrine2xPour la réflexion doctrinale sur cette affaire, voir notamment I. SANSANI, “The Pinochet Precedent in Africa: Prosecution of Hissène Habré”, Human Rights Brief, volume 8, Issue 2, 2001, pp. 32-35; R. BRODY, « Les poursuites contre Hissène Habré: un ‘Pinochet africain’ », in: SOS Attentats / G. DOUCET (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Calmann-Lévy, Paris, 2003, pp. 307-326; A. CISSE, « La Responsabilité pénale des chefs d’État africains en exercice pour crimes internationaux graves », in: SOS Attentats / G. DOUCET (Dir.), ibid., pp. 247-254. D. N. SHARP, “Prosecutions, Development, and Justice: The Trial of Hissein Habré”, Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp. 147-177; J. SEROUSSI, « L’internationalisation de la justice transitionnelle: l’affaire Habré », Critique internationale, n° 30, janvier-mars 2006, pp. 83-102; M. ALBARET, « Acteurs et interdépendances dans l’affaire Hissène Habré », Études internationales, vol. 39, n° 4, 2008, pp. 563-585; V. SPIGA, “Non-retroactivity of Criminal Law: A New Chapter in the Hissène Habré Saga”, Journal of International Criminal Justice (2011), pp. 1-19. dans la mesure où ses multiples développements ont impliqué plusieurs États et organisations tant régionales qu’internationales3xIl s’agit notamment du Comité contre la Torture, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la Cour de justice de la CEDEAO et de la Cour internationale de justice.. Même si elle peut rappeler l’affaire Pinochet 4xVoir House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet, 24 mars 1999. Dans cette affaire, la Chambre des Lords avait fondé sa compétence sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, 1465 R.T.N.U. 85 (entrée en vigueur: 26 juin 1987), qui prévoit le principe de compétence universelle des juridictions nationales. Il y a par ailleurs été précisé, et c’est le plus important, qu’un ancien chef d’État ne bénéficiait pas d’une immunité de juridiction pénale pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions lorsque ces actes constituent des crimes internationaux et notamment la torture. Même si Augusto Pinochet n’a pas finalement été extradé en Espagne comme le sollicitait le juge Garzón, cette affaire constitue un grand précédent en matière de responsabilité pénale d’anciens chefs d’État pour crimes internationaux., l’affaire Habré est un feuilleton judiciaire dont la restitution des épisodes est presque malaisée tant ses rebondissements ont été nombreux5xPour une présentation chronologique de cette affaire allant du 1er décembre 1990 au 20 juillet 2015 (date de l’ouverture du procès à Dakar), voir FIDH, Chronologie de l’affaire Habré, publiée le 16 juillet 2015.. En juillet 2010, l’archevêque Desmond Tutu et 117 groupes de 25 pays africains décrivaient la lutte des victimes présumées d’Hissène Habré comme un « interminable feuilleton politico-judiciaire » 6xVoir Présentation de l’affaire Habré, http://www.chambresafricaines.org/index.php/l-affaire-habre/presentation.html (consultée le 25 octobre 2017).. L’arrêt rendu le 27 avril 2017 par les juges d’appel des CAE est donc d’une importance considérable.
      Les CAE ont en fait rempli la triple mission qui est généralement assignée à toute instance pénale internationale ou internationalisée à savoir: (i) la dissuasion judiciaire, (ii) le châtiment des auteurs des crimes internationaux et, (iii) la réparation en faveur des victimes desdits crimes.
      Le Statut des CAE a inscrit cette juridiction internationalisée dans le courant innovateur enclenché par la Cour pénale internationale (ci-après: CPI) dans le domaine du droit international pénal7xL’article 75 du Statut de Rome prévoit, pour la première fois dans l’histoire du droit international pénal, un régime de réparation en faveur des victimes. Certains commentateurs ont pu considérer les réparations comme « the most important restorative element in the Statute ». Voir G. BITTI et H. FRIMAN, “Participation of Victims in the Proceedings”, in: R. S. LEE (ed.), The International Criminal Court: Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, Transnational Publishers, Ardsley, 2001, pp. 456-474 (spéc. p. 457)., en prévoyant les réparations et la création d’un Fonds au profit des victimes8xCAE, Statut, articles 27 et 28.. Mais contrairement au Statut de Rome, le Statut des CAE permet la constitution de partie civile devant celles-ci. Avant l’adoption du Statut de Rome, la justice pénale internationale avait toujours eu cette tendance fâcheuse à négliger les victimes, les auteurs des crimes ayant été trop souvent sa priorité. Pendant longtemps, les préjudices causés aux victimes de conflits armés furent uniquement, et dans le meilleur des cas, « compensés par le versement d’indemnités de guerre au gouvernement de l’État dont elles avaient la nationalité » 9xVoir S. PELLET, « Article 75 – Réparation en faveur des victimes », in: J. FERNANDEZ et X. PACREAU (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commentaire article par article, Pedone, Paris, 2012, pp. 1651-1668 (spéc. p. 1652).. C’est en 1991 que sera instauré pour la première fois, au niveau international, un système d’indemnisation des victimes de la guerre par une partie fautive. En fait, à la fin de la guerre du Golfe, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait créé la Commission de compensation des Nations Unies (UNCC) pour invasion du Koweït par l’Iraq. Cette commission avait pour mission d’examiner des demandes trouvant leur origine dans l’occupation du Koweït et de décider du montant des indemnisations10xVoir les résolutions 687 (1991) et 706 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies datées respectivement du 3 avril 1991 et du 15 août 1991. Cf. ibid. . En outre, l’on peut noter l’adoption en 2005, de la Résolution 60/147, par l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution prévoit le droit des victimes à plusieurs types de réparation à savoir la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-renouvellement11xVoir la Résolution 60/147 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 16 décembre 2005 relative aux Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Doc. off. AG NU, 60ème session, Doc. NU A/RES/60/147 (2005) [Principes fondamentaux des Nations Unies]. Ces principes sont aussi appelés « principes van Boven ». La doctrine considère que cette évolution est le signe d’une reconnaissance généralisée du fait que la réparation est un élément essentiel de la restauration du tissu social et de l’instauration d’une paix durable. Voir S. PELLET, op. cit., p. 1652. Voir également C. JORDA et J. de HEMPTINNE, “The Status and Role of the Victim”, in: A. CASSESE, P. GAETA et J. R.W.D. JONES (eds.), The Rome Statute of the International Criminal Law: A Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2002, pp. 1387-1419 (spéc. p. 1398); G. BITTI et H. FRIMAN, in : R. S. LEE (ed.), The International Criminal Court: Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, Transnational Publishers, Ardsley, 2001, pp. 456-474 (spéc. p. 457).. Le concept de “réparation intégrale” (restitutio in integrum) implique de rétablir la situation qui prévalait auparavant et de supprimer les effets de la violation, ainsi que le versement d’une indemnisation pour le préjudice causé12xCIDH, Gonzalez et autres c. Mexique (Affaire du Champ de coton), Exceptions préliminaires, fond, réparations et dépens, arrêt du 16 novembre 2009, para. 450.. En droit international pénal et même en droit pénal interne, la restitution jouit de la priorité sur les autres formes de réparation. La préférence lui est ainsi accordée lorsqu’elle est possible, l’indemnisation n’étant dès lors qu’un substitut dans les hypothèses où il ne serait pas possible de restituer13xJ.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, préface d’Antoine Garapon, PUF, Paris, 2009, p. 59.. La modalité de la restitution trouve son origine dans l’affaire Chorzów 14xCPJI, Affaire relative à l’usine de Chorzów (Allemagne c. Pologne), 13 septembre 1928, CPJI, série A, n° 17, p. 47: « [l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite et qui semble se dégager de la pratique internationale […], est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquence de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis »..
      Il est désormais évident qu’une justice pénale internationale efficace ne saurait être uniquement rétributive15xLa « justice rétributive » est définie comme étant « l’attribution d’un blâme et, dans la plupart des cas, d’une sanction punitive à des personnes qui ont violé une norme ». Voir J.-P. BRODEUR, « Justice distributive et justice rétributive », Philosophiques, Vol. 24, n°1, Printemps 1997, pp. 71–89 (spéc. p. 72). (ou répressive), mais doit tenter au mieux de réparer le préjudice subi par la victime16xJ. FERNANDEZ évoque ainsi « le passage d’une justice rétributive axée sur la condamnation de l’accusé à une justice restorative [sic] qui pose la victime au cœur de l’action judiciaire »; voir de cet auteur, « Variations sur la victime et la justice pénale internationale », Amnis (Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques), n° 6, 2006, http://amnis.revues.org/890 (consulté le 18 novembre 2017). En toute hypothèse, la majorité des sujets du droit international affirme aujourd’hui « qu’il ne peut y avoir de paix sans justice ni de justice sans reconnaissance des victimes » (ibid.).. « Réparer l’irréparable » est donc « l’ambition de la justice pénale internationale » 17xJ.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 7.. Si un tel défi, « trop ambitieux peut décourager et susciter l’évitement, l’esquive, voire la démission » 18x Ibid. , l’un des mérites des CAE est d’avoir statué sur la question des intérêts civils en allouant des réparations à 7396 parties civiles 19xChambre d’assises d’appel, Le Procureur général c. Hissein Habré, Arrêt, 27 avril 2017 (« Arrêt définitif »), para. 939..
      Les CAE se sont énormément inspiré de la pratique des juridictions pénales internationales et internationalisées. Elles contribuent ainsi en quelque sorte à la consolidation des progrès effectués jusqu’ici dans le domaine de la justice réparatrice. Cependant, l’analyse de l’arrêt définitif rendu par la Chambre d’assises d’appel permet de se rendre compte de l’exemplarité mitigée de la justice réparatrice dont l’administration a été amorcée devant les CAE (I). Par ailleurs, l’attente du financement du Fonds au profit des victimes et l’ampleur des missions de mise en œuvre des réparations rendent les perspectives de l’exécution desdites réparations peu rassurantes (II).

    • 1 L’Exemplarité Mitigée de la Justice Réparatrice devant les CAE

      L’on se souviendra que le groupe des parties civiles RADHT20xIl s’agit du Réseau des associations des droits de l’Homme au Tchad. et AVCRP21xAssociation des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad. avait prétendu qu’au niveau de l’instance, il n’y avait plus lieu de parler de parties civiles, mais plutôt de victimes22xCAE, CHAA/06, Mémoire d’appel du groupe AVCRP et RADHT, 7 décembre 2016, p. 3.. C’est ce qui a amené la Chambre d’assises d’appel à penser qu’il était utile de s’attarder sur les notions de victime et de partie civile. Même s’il ne s’agissait pas d’un moyen d’appel relevé par les parties, cette précision terminologique devait entraîner des conséquences sur la recevabilité des demandes de constitution de partie civile et des indications pour le Fonds au profit des victimes23xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 575.. La justice réparatrice telle qu’elle s’est déployée devant les CAE peut être considérée comme étant exemplaire, notamment au regard des contours donnés à la notion de victime (A). Toutefois, l’absence de pragmatisme des CAE quant à la priorité accordée à l’indemnisation comme forme de réparation (B) et l’adéquation mitigée des réparations allouées (C) permettent de relativiser cette exemplarité.

      1.1 L’exemplarité de la définition de la notion de victime

      Les juges d’appel ont relevé d’emblée « qu’en droit romano-germanique, si la victime est titulaire de l’action civile, seul le concept d’action civile est juridique. Celui de victime est sociologique »24xLes juges se réfèrent là à J. PRADEL, Procédure pénale, 15è éd., Cujas, p. 204, para. 260; cf. Arrêt définitif, para. 576.. Après s’être inspirée de la jurisprudence de la CPI, de son Statut ainsi que de celui du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), lesquels n’utilisent pas la notion de partie civile, la Chambre d’assises d’appel fournit une définition contextuelle de la notion de victime comme suit:

      [d]ans la présente affaire, le terme « victime » comprend toute personne qui a subi un préjudice découlant des crimes relevant de la compétence des CAE, à savoir les crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale, et des conventions internationales ratifiées par le Tchad et le Sénégal, commis sur le territoire tchadien du 7 juin 1982 au 1er décembre 199025xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 583..

      Il en ressort que la qualité de victime est indépendante du fait que la personne se soit ou non constituée partie civile au cours de la procédure pénale devant les CAE. Il s’agit là d’une application juste du Statut des CAE. Ledit Statut s’inspire énormément des principes internationaux et de la pratique des juridictions pénales internationales qui, dans leur majorité, ne conditionnent pas l’accès aux réparations à la participation au procès. En fait, il est admis depuis longtemps que le droit à réparation n’est pas subordonné à la qualité de partie civile26xDans l’affaire Lubanga par exemple, la Chambre de première instance I a précisé que « la participation d’une victime au procès n’est pas une condition préalable à une demande en réparation ». Cf. CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, ICC-01/04-01/06-1119-tFRA, para. 18. La même Chambre dira plus tard, dans la même affaire, que pouvait obtenir réparations « toute personne qui aurait tenté d’empêcher la commission d’un ou plusieurs des crimes considérés, ou qui aurait subi un préjudice personnel du fait de ces crimes, qu’elle ait ou non participé au procès » ; cf. Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de réparations, 7 août 2012, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, para. 194..
      Dans la pratique, le travail qu’effectue le Fonds au profit des victimes dans le cadre des réparations dans l’affaire Lubanga, est une illustration parfaite de l’indépendance qui existe entre le statut de victime, et le droit à réparation, d’une part, et la participation à la procédure pénale, d’autre part. En effet, à la suite de la condamnation de l’accusé, le Fonds en collaboration avec les avocats des victimes, continue à identifier des victimes qui pourraient prétendre aux réparations, en plus de celles qui ont déjà été identifiées au cours de la procédure pénale en République démocratique du Congo27xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 579..
      À la suite de sa définition de la notion de victime, la Chambre d’assises d’appel a précisé qu’il en résultait que « la possibilité de se constituer partie civile est non seulement ouverte aux victimes directes mais également aux victimes indirectes » 28x Ibid., para. 584.. S’il incombe aux victimes indirectes la charge de la preuve de leur lien de parenté avec les victimes directes, la Chambre d’assises d’appel note que la catégorie de victimes indirectes n’est pas restreinte à une « catégorie particulière de personnes telle que les membres d’une famille »29xVoir CETC, Arrêt Duch, para. 418 et note n° 881; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 585.. À ce niveau, il convient de relever que si la Chambre d’assises d’appel fait ainsi une extension semblable à celle opérée par la Chambre de première instance I de la CPI30xLa jurisprudence de la CPI permet de distinguer deux catégories de victimes indirectes à savoir: (i) les membres de la famille de victimes directes et, (ii) « des individus qui ont subi un préjudice alors qu’ils aidaient des victimes directes ou intervenaient en leur nom ». Cf. CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 196. Voir également Principes fondamentaux des Nations Unies, op. cit., principe 8., dans l’affaire Lubanga, elle s’en émancipe en ce qu’elle ajoute que « c’est le critère du préjudice qui détermine la recevabilité [de la demande] de la victime indirecte » 31xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 585.. La Chambre suit dès lors l’obiter dictum des Chambres extraordinaires auprès des tribunaux cambodgiens (CETC) dans l’affaire Duch: « les personnes qui n’ont pas subi de préjudice ne seront pas considérés comme des victimes indirectes, et ce même si elles appartiennent à la famille proche de la victime directe » 32xCETC, Arrêt Duch, para. 418; Chambre d’assises d’appel, ibid. .
      La preuve du lien de parenté n’est donc pas suffisante pour accéder au statut de victime indirecte. Le demandeur doit également prouver qu’il a subi un préjudice. C’est notamment le cas lorsque le parent, victime directe, est décédé à la suite d’un crime commis par l’accusé. En effet, dans un tel cas, le préjudice du parent demandeur est évident, le décès étant une perte rentrant dans la catégorie des préjudices « irréparables ». Ainsi, dans l’affaire Katanga, la Chambre de première instance II de la CPI a relevé récemment qu’à

      partir du moment où le décès de la victime directe […] et le lien de parenté entre la victime directe et le Demandeur [victime indirecte] sont établis à la lumière de l’ensemble des pièces et éléments de preuve fournis au soutien de la demande en réparation, le préjudice psychologique du fait du décès d’un parent est établi33xCPI, Chambre de première instance II, Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01-04-01/07, Ordonnance de réparation en vertu de l’article 75 du Statut, 24 mars 2017, para. 122. Chambre d’assises d’appel adopte aussi cette position. Cf. Arrêt définitif, para. 585..

      En introduisant le critère du préjudice comme condition de recevabilité de la demande de la victime indirecte, la Chambre d’assises d’appel a essayé d’éviter les abus étant entendu que l’extension de la définition de la notion de victime, si elle est juste, comporte cependant un risque surtout en ce qui concerne le concept de « famille » dans le contexte africain. En effet, ces abus (de la parenté) rendraient insignifiantes les réparations effectives34xL’illustration des conséquences de cette extension en a été donnée dans le cadre de la Commission de compensation des Nations Unies (UNCC) pour invasion du Koweït par l’Iraq. La résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité prévoyait que l’Iraq est responsable, en vertu du droit international, « de toute perte, de tout dommage - y compris les atteintes à l’environnement et la destruction des ressources naturelles - et de tous autres préjudices directs subis par des États étrangers et des personnes physiques et sociétés étrangères du fait de son invasion et de son occupation illicites du Koweït ». Voir Résolution S/Rés. 687 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies du 3 avril 1991, § 16. Selon L. WALLEYN, « [d]es sommes considérables auraient été versées à des sociétés israéliennes, y compris des vendeurs de fleurs et des exploitants de cinéma, pour les pertes commerciales subies à cause de la situation de guerre, et certains pays auraient même tenté de soumettre des notes pour l’effort de guerre ». Voir de cet auteur, « Victimes et témoins de crimes internationaux: du droit à une protection au droit à la parole », R.I.C.R., Vol. 84, n° 845, 2002, pp. 51-78 (spéc. p. 55).. Ce risque est d’autant plus réel que les CAE ont adopté une conception large de membres de famille. C’est donc à bon droit que les juges d’appel ont exigé la preuve de l’existence d’un préjudice par la victime indirecte. C’est également à juste titre qu’ils ont estimé qu’une victime indirecte « peut obtenir réparation de son préjudice uniquement dans l’hypothèse où la victime directe est décédée » et que, « l’intérêt à agir [de celle-ci] ne se transmet à ses ayants droits [sic] qu’à son décès, par l’effet de la dévolution successorale » 35xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 589..
      En ce qui concerne le standard de preuve applicable, la Chambre d’assises d’appel a estimé que la Chambre d’assises avait appliqué « l’hypothèse la plus probable » à l’examen de la recevabilité des constitutions de partie civile au stade des réparations. Selon les juges d’appel, ce critère est conforme tant au droit interne qu’au droit international36x Ibid., para. 829.. Cette norme de preuve est supérieure à celle applicable aux stades antérieurs de la procédure. Les CAE consolident ainsi la pratique internationale en la matière. En effet, la CPI37xCPI, Chambre de première instance II, Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01-04-01/07, Ordonnance de réparation en vertu de l’article 75 du Statut, op. cit., para. 49-50., les CETC38xCETC, Arrêt Duch, para. 531. et différents programmes de réparation39xH. NIEBERGALL, « Overcoming Evidentiary Weaknesses in Reparation Claims Programs », in : C‍. FERSTMAN et al., Reparations for Victims of Genocide, War Crimes and Crimes against Humanity, Brill, 2009, p. 150. ont opté pour « l’hypothèse la plus probable » comme standard de preuve applicable dans la phase des réparations40xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 739..

      1.2 L’absence de pragmatisme des CAE quant à la priorité accordée à l’indemnisation comme forme de réparation

      Les parties civiles Clément Abaïfouta et autres avaient sollicité la réservation de 30 % des fonds consacrés à l’indemnisation des victimes aux réparations collectives et morales. Il s’agissait en fait de l’allocation de fonds pour le développement de projets communautaires générateurs de revenus, de l’érection de monuments en mémoire des souffrances endurées sur le site de chaque grand massacre et de la construction de centres polyvalents de formation pratique socioprofessionnels en faveur des enfants des victimes d’Hissène Habré41xVoir CAE, CHAA/05, p. 19; Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 831.. Mais la Chambre d’assises avait souligné que

      les demandes formulées par les parties civiles [au titre des réparations collectives] ne comport[ai]ent aucune donnée précise de nature à permettre à la Chambre d’en apprécier la faisabilité notamment des données relatives au coût et à la localisation précise des monuments, le type et le coût des projets de développement. À défaut de toutes ces données, la Chambre n’a pas les éléments suffisants pour ordonner la réparation collective sollicitée42xChambre d’assises, Décision sur les réparations, 29 juillet 2016, para. 71; Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 839..

      En outre, la Chambre d’assises a estimé que l’État tchadien « n’étant pas partie à la procédure, elle ne [pouvait] lui faire supporter de telles obligations qui relèvent de sa souveraineté » 43xChambre d’assises d’appel, ibid., para. 840.. Ces motifs de rejet des demandes de réparations collectives et morales ont satisfait les juges d’appel. Cependant, ces derniers ont tenu à relever le caractère protéiforme des préjudices subis par les victimes et le fait que ce caractère rendait difficile la possibilité de replacer les victimes dans la situation équivalente à celle dans laquelle elles se trouvaient avant la commission des crimes dont l’Accusé est reconnu coupable. Ils reconnaissent dès lors que

      pour répondre le mieux possible à la diversité des préjudices subis par les victimes, […] la nature des réparations à intervenir gagnerait à utiliser les différentes formes de réparations possibles.44x Ibid., para. 842.

      En effet, il est évident qu’une compensation financière ne saurait à elle seule faire oublier les souffrances des victimes de violations graves45xLe Comité contre la torture a estimé que « l’indemnisation financière seule n’est pas une réparation suffisante pour la victime de torture ou de mauvais traitements ». Cf. Comité des Nations Unies contre la torture, Observation générale 3, Application de l’article 14 par les États parties, CAT/C/GC/3, 13 décembre 2012, para. 9..
      Par ailleurs, la Chambre d’assises d’appel a considéré que la seule allocation de réparations individuelles en l’espèce pourrait s’avérer lacunaire. En effet, tant les capacités financières limitées de l’Accusé et du Fonds que le nombre élevé de victimes qui s’adresseront à cette structure, sont des raisons de nature à faire privilégier les réparations collectives. Si le principe semble être celui de la réparation individuelle, celle-ci aurait l’inconvénient de son impraticabilité dans l’hypothèse d’un nombre assez élevé de victimes. Et c’est le cas en l’espèce. Au vu de cet effectif pléthorique de victimes, les CAE auraient dû, dans la mesure du possible, ordonner quelques mesures de réparations tant symboliques que collectives46xPour le plaidoyer pour les réparations symboliques et collectives, lire J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., pp. 67-69, 81-85..
      En plus de couvrir le plus grand nombre de victimes, l’approche collective aurait également l’avantage que les réparations bénéficieraient à toute une communauté et constitueraient une reconnaissance du préjudice subi par la communauté toute entière47xVoir Rapport du Panel à la Haut-commissaire aux droits de l’homme sur les moyens de recours et de réparation pour les victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo, mars 2011, para. 113, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_Reparations_Report_fr.pdf (consulté le 10 décembre 2017).. Cette approche permettrait ainsi d’obvier tant à toute discrimination pour les motifs énoncés à l’article 21-3 du Statut de Rome48xLes énonciations de l’article 21-3 du Statut se lisent comme suit: « L’application et l’interprétation du droit prévues au présent article doivent être compatibles avec les droits de l’homme internationalement reconnus et exemptes de toute discrimination fondée sur des considérations telles que l’appartenance à l’un ou l’autre sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3, l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité ». , qu’à la stigmatisation des victimes au sein de leur communauté49xVoir É.-F. ELASSAL, « Le régime de réparation de la Cour pénale internationale: analyse du mécanisme en faveur des victimes », R.Q.D.I., Vol. 24, n° 1, 2011, pp. 259-308, p. 289..
      Se référant à la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), en l’affaire Communauté Moiwana c. Suriname 50xVoir CIDH, Communauté Moiwana c. Suriname, Exceptions préliminaires, fond, réparations et dépens, arrêt du 15 juin 2005, para. 194 et 201., la Chambre de première instance I de la CPI a eu à relever que « [l]es réparations individuelles et collectives ne s’excluent pas mutuellement et peuvent être accordées concurremment » 51xCPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 220.. La Chambre précise cependant que les réparations individuelles devraient être accordées de façon à éviter de créer des tensions et des divisions au sein des communautés concernées. Aussi, elle dit que les réparations à titre collectif devraient remédier au préjudice que les victimes ont subi aussi bien individuellement que collectivement. Dès lors, la question de savoir si un juge doit absolument choisir entre les approches individuelle et collective devient superflue.

      1.3 L’adéquation mitigée des réparations allouées par les CAE

      Le nombre impressionnant de parties civiles bénéficiaires (7396 au total) et le montant global des réparations allouées, soit quatre-vingt-deux milliards deux cent quatre-vingt-dix millions de francs CFA (82 290 000 000 FCFA), permettent d’inférer que les juges ont privilégié la réparation financière qu’est l’indemnisation, du moins au stade de la procédure devant les CAE. Dans son évaluation des réparations, la Chambre d’assises avait distingué, d’une part, les victimes directes des victimes indirectes et, d’autre part, le type d’infractions dont elles ont été victimes afin de fixer le montant de l’indemnisation à leur allouer. En ce qui concerne les victimes directes, 20 millions de Francs CFA sont alloués à chacune des victimes de viols et d’esclavage sexuel52xChambre d’assises, Décision sur les réparations, op. cit., para. 62. et 15 millions de Francs CFA à chacune des victimes de détention arbitraire, tortures et autres traitements inhumains et rescapés de massacres pour tous préjudices confondus53x Ibid., para. 65.. S’agissant des victimes indirectes, chacune d’entre elles recevra 10 millions de Francs CFA54x Ibid., para. 68.. Il s’agit là de la manifestation du pouvoir souverain d’appréciation de la Chambre55xComme l’a observé la Chambre d’assises d’appel, les jurisprudences nationale et internationale rappellent de manière constante « le principe selon lequel l’évaluation du préjudice subi par une victime relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ». cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 929. Pour les exemples d’application judiciaire, voir Cour suprême du Sénégal, arrêt n° 59, Fasaly Koné et Serigne Gaye c. Pape Gora Thiam, 4 mars 2010; ibid., arrêt n° 02, Affaire APIX c. Mouhamed Tall, 9 janvier 2013; Cass. Crim. (France), 18 janvier 2017, n° 15-85511; voir également CETC, Arrêt, Duch, para. 17; TPIY, Arrêt Krnojelac, para. 12-14; TPIY, Le Procureur c. Galic, n° IT-98-29-A, Chambre d’appel, Arrêt, 30 novembre 2006, para. 9 etc.. Ce qui a amené les juges d’appel à confirmer la décision sur les réparations en ce qui concerne les montants alloués aux victimes.
      Si la Chambre d’assises d’appel a considéré le montant alloué à chacune des victimes des différentes infractions retenues comme étant « raisonnable et même supérieur à celui habituellement pratiqué par certains tribunaux et dans les pays comme la France et la Belgique » 56xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 934. La Chambre s’est référée à l’Ordonnance de réparation dans l’affaire Katanga (para. 87)., il est cependant possible de questionner l’adéquation des réparations matérielles ou financières à la diversité de telles infractions et aux préjudices protéiformes subis par les victimes. L’évaluation du coût du préjudice subi est une tâche alambiquée. Il est donc plus facile pour un juge de catégoriser les victimes selon, d’une part, leur nature directe ou indirecte, et d’autre part, la nature des infractions commises à leur détriment, et de fixer un montant à leur verser sur ces bases. Or bien que l’on se trouve dans le contexte africain où la pauvreté est une donnée essentielle de la vie quotidienne, l’on peut, à la suite de Jeangène Vilmer57xJ.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 62., se poser les questions suivantes: « Que peut l’argent ? Dans quelle mesure les souffrances nées de violations graves des droits de l’homme peuvent-elles vraiment être ‘indemnisées’ ? Quel est le prix de la vie humaine ? De la perte d’un parent ? De l’intégrité physique ? ».
      L’on peut supputer que les juges tant d’assises que d’appel aient fait le constat de l’impossibilité d’appliquer la restitution dans le cas d’espèce. En effet, comment peut-on rétablir les victimes dans l’état qui était le leur avant la commission des viols et de l’esclavage sexuel, de la détention arbitraire, des tortures et autres traitements inhumains ? La restitution bien que prioritaire, n’est préférée que lorsqu’elle est possible58x Ibid., p. 59.. Les juges auraient donc été contraints, par l’évidence de l’impossibilité de la restituo in integrum, à opter pour l’indemnisation qui est un substitut de la restitution. Cependant, « [d]e la même manière que tout n’est pas restituable, […] tout n’est pas compensable financièrement » 59x Ibid., p. 62. En effet, pour JEANGÈNE VILMER, d’une part, « il y a des crimes tellement graves qu’ils sont à l’avance qualifiés d’irréparables », et d’autre part, « le préjudice n’est pas que matériel, il est souvent moral et, dans ce cas, il est impossible de lui attribuer un équivalent monétaire juste » (ibid.)..
      Dès lors, l’on peut se demander quelle est la raison qui a amené les CAE à ne pas envisager la réhabilitation (ou réadaptation), qui est pourtant une modalité qui consiste généralement à aider les victimes à se réintégrer dans la société en leur permettant de se rapprocher le plus possible de leur situation avant la survenance des crimes dont elles ont souffert. Selon le Fonds au profit des victimes de la CPI, les mesures de réhabilitation seraient plus appropriées que l’octroi d’indemnisation60xCPI, Fonds au profit des victimes, Reviewing Rehabilitation Assistance and Preparing for Delivering Reparations: Programme Progress Report, Été 2011, p. 32.. Et d’après les Principes fondamentaux et directives de 2005 sur le droit à la réparation, « [l]a réadaptation devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à des services juridiques et sociaux » 61xVoir Principes fondamentaux des Nations Unies de 2005, principe 21. Le paragraphe 14 de la Déclaration de 1985 sur les principes fondamentaux de justice prévoyait en substance la même chose..
      Toutefois, deux raisons peuvent justifier l’absence des mesures de réhabilitation dans les décisions des CAE. Premièrement, il semble qu’après environ trois décennies écoulées entre la commission des crimes et la procédure pénale devant les CAE, soit certains effets des crimes aient disparus d’eux-mêmes, soit que certaines victimes aient de toute évidence déboursé elles-mêmes les frais médicaux divers ou alors qu’elles aient reçu de l’aide à cet effet. Deuxièmement, il est clair que les CAE n’ont pas voulu statuer ultra petita, les parties civiles n’ayant pas sollicité des mesures de réhabilitation.
      Il est évident que le juge n’est pas le meilleur organe pour l’établissement du plan de mise en œuvre ou des programmes de réparations. C’est certainement ce qui a conduit la Chambre d’assises d’appel, en vue d’éviter de causer tout préjudice aux victimes, à, d’une part, inviter toutes celles dont la constitution de partie civile a été rejetée par son Arrêt à s’adresser au Fonds au profit des victimes et, d’autre part, demander au Fonds de prendre contact avec le Gouvernement du Tchad, les États et organisations intéressés, et les associations de parties civiles sur l’éventuelle réalisation et mise en œuvre de réparations collectives et morales. Ce qui permettra certainement d’atténuer l’inadéquation de l’indemnisation dans le cas d’espèce. Si l’immensité des réparations financières allouées manque de pragmatisme, du fait de la difficulté de la collecte du montant global de l’indemnisation, d’autres paramètres que l’on va considérer rendent les perspectives de la mise en œuvre de telles réparations peu rassurantes.

    • 2 Les Perspectives Peu Rassurantes de la Mise en œuvre des Réparations Allouées par les AE

      L’attente du financement du Fonds au profit des victimes (A) et l’ampleur des missions dudit Fonds dans la mise en œuvre des réparations (B) permettent de douter de l’effectivité des réparations dans un futur proche.

      2.1 L’attente du financement du Fonds au profit des victimes

      Conformément aux articles 27 et 28 du Statut des CAE portant respectivement sur les réparations et la création d’un fonds au profit des victimes, le 18 juillet 2016, la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’UA a décidé:

      1. de créer un fonds, au profit des victimes avérées des crimes relevant de la compétence des Chambres africaines extraordinaires, sous les auspices de l’Union;

      2. de demander à la Commission, en collaboration avec le gouvernement du Tchad, d’organiser une conférence d’appel de fonds à laquelle participeront les États membres, les pays partenaires, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales et autres entités, pour des contributions volontaires au fonds pour les victimes;

      3. que le Conseil exécutif mette à la disposition de la Commission des ressources pour l’organisation de la conférence d’appel de fonds62x27e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’UA, Kigali (RWANDA), 17- 18 juillet 2016, Assembly/AU/Dec.615(XXVII), Décision sur l’affaire Hissène Habré, Doc. EX.CL/986(XXIX), https://au.int/sites/default/files/decisions/31274-assembly_au_dec_605_-620_xxvi_f.pdf (consultée le 25 octobre 2017)..

      Dans son arrêt définitif du 27 avril 2017, la Chambre d’assises d’appel a appelé l’UA à « une opérationnalisation rapide et efficace du Fonds » 63xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 611.. Cet appel attirait l’attention sur l’ineffectivité dudit Fonds. En effet, ce n’est qu’au cours de son sommet tenu à Addis-Abeba du 28 au 29 janvier 2018 que le Statut du Fonds a été adopté par l’Union; ce qui marque le début de l’opérationnalisation de cet organe. Les atermoiements relevés dans la mise en place dudit Fonds mettent en évidence un sérieux problème de volonté politique. Il ne serait pas exagéré d’affirmer que la justice pénale internationale est dans une « position ancillaire » 64xVoir M. KALUSZYNSKI, « La fonction politique de la justice: regards historiques. Du souci d’historicité à la pertinence de l’historicisation », in: J. COMMAILLE et M. KALUSZYNSKI (dir.), La fonction politique de la justice, Paris, La Découverte, 2007, pp. 9-23 (spéc. p. 17). par rapport au pouvoir politique. L’on se souviendra par exemple que l’arrivée de Macky Sall à la présidence du Sénégal le 2 avril 2012 et l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 20 juillet 201265xC.I.J., Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 422. Sur le plan processuel, c’est la première fois qu’un État (la Belgique) sollicitait l’office de l’organe judiciaire principal des Nations Unies afin que celle-ci se prononce sur l’exercice de la compétence universelle. avaient marqué un tournant décisif dans l’affaire Habré au Sénégal. Ce sont en effet, ces deux événements combinés qui ont été à l’origine du changement d’attitude du Sénégal à l’égard de cette affaire. Si le premier événement montre que le rythme des procédures judiciaires est tributaire du régime politique, le second a permis au Sénégal de montrer sa volonté de respecter ses engagements internationaux en relation avec cette affaire.
      S’agissant de la mise en place du Fonds, la décision de la Conférence de l’UA citée ci-dessus place le Tchad dans une position déterminante. En effet, lorsque la Conférence demande à la Commission de l’Union d’organiser, en collaboration avec le Gouvernement du Tchad, une conférence d’appel de fonds, l’on comprend que cet État doit déployer son leadership à cet effet, du moins compte tenu de la nationalité tchadienne de la quasi-totalité des victimes. Or la volonté politique de cet État semble faire défaut dans l’effectivité de la justice réparatrice dans l’affaire Habré. L’attitude du Tchad à l’égard de la décision rendue par un tribunal tchadien en mai 2015, permet de confirmer cette apathie des autorités Tchadiennes. En fait, cette décision judiciaire avait alloué 125 millions de dollars américains de dédommagements à 7 000 (sept mille) victimes, la moitié de la somme devant être payée par le Gouvernement tchadien. Mais jusqu’à présent rien n’a été payé aux victimes par ce dernier66xVoir S. BLANCHARD, « Les victimes du régime d’Hissène Habré toujours pas dédommagées », www.dw.com/fr/les-victimes-du-régime-dhissène-habré-toujours-pas-dédommagées/a-41677428 (consultée le 19 décembre 2017).. L’attitude du Tchad augure des difficultés que rencontrera le Fonds dans la collecte de la totalité des financements.
      Il faut rappeler que l’UA a versé un montant de 5 millions de dollars au Fonds et a décidé que le reliquat du budget des CAE, qui s’élève à 5 mille dollars lui soit également reversé. Ce qui fait un total d’environ 2 milliards six cents cinquante deux millions (2 652 000 000) de Francs CFA, soit à peu près 3,22 % du montant global des indemnisations ordonnées par la Chambre d’assises d’appel. L’on est donc loin de réunir la totalité dudit montant.
      Tant que les réparations ne seront pas effectives, le système de justice des CAE demeurera essentiellement rétributif alors même que l’article 28 de leur Statut avait pour objectif de lui donner une dimension réparatrice67xPar analogie, le Statut de Rome a créé deux institutions peu ou prou indépendantes à savoir la CPI et le Fonds d’affectation spéciale au profit des victimes (FPV), l’objectif étant de mettre sur pied un système de justice rétributive et restaurative. Voir CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 177..
      On a l’impression que dans l’affaire Habré, la charrue a été mise avant les bœufs. En effet, comment comprendre que la décision sur les réparations ait été rendue avant la mise en place du Fonds ? L’on se souviendra par contre que, s’agissant de la CPI, le Fonds au profit des victimes a été créé en 2002 par une résolution de l’Assemblée des États Parties (AEP)68xRésolution ICC-ASP/1/Res.6, adoptée par consensus, à la 3e séance plénière, le 9 sept. 2002.. Le Règlement dudit Fonds a été adopté le 3 décembre 2005 par le biais d’une résolution de l’AEP69xRésolution ICC-ASP/4/Res.3 (3 déc. 2005)., c’est-à-dire plusieurs années avant le premier verdict de culpabilité de la CPI70xCPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2842, Judgment pursuant to Article 74 of the Statute, 14 mars 2012 (Chambre de première instance I).. Il est donc évident que l’objectif majeur des CAE était la condamnation de l’accusé à une peine privative de liberté. La réparation serait donc accessoire. Sauf à considérer que les juges, étant avertis des difficultés de mise en œuvre des réparations d’une telle ampleur, avaient à cœur d’alléger la tâche du futur Fonds en établissant, un peu à l’image de la Chambre de première instance I de la CPI dans l’affaire Lubanga, les principes applicables aux réparations en faveur des victimes.

      2.2 L’ampleur de la mise en œuvre des réparations

      À l’instar du FPV de la CPI, celui des CAE a deux mandats vis-à-vis des victimes. Le premier tient en l’exécution des mesures de réparation ordonnées par les CAE. Le second mandat consistera à fournir une assistance générale aux victimes et à leurs familles; relevant dès lors d’une « justice humanitaire » 71xVoir É.-F. ELASSAL, « Le régime de réparation de la Cour pénale internationale: analyse du mécanisme en faveur des victimes », op. cit., p. 299.. Au-delà de ces missions, il faut relever que la phase d’exécution des mesures de réparations ordonnées par une instance pénale internationale ou internationalisée peut s’avérer assez longue compte tenu de l’ampleur des activités qui rentrent dans le plan de mise en œuvre desdites mesures. L’on se souviendra par exemple que M. Lubanga a été reconnu coupable le 14 mars 2012 et que ce n’est que le 15 décembre 2017 que le montant des réparations auxquelles il est tenu a été fixé72xCPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-3379-Red, Décision fixant le montant des réparations auxquelles Thomas Lubanga Dyilo est tenu, 15 décembre 2017 (Chambre de première instance II). Cette décision fixe le montant des réparations à la somme totale de 10 000 000 (dix millions) de dollars américains.. Cet exemple montre que l’on est encore loin de l’effectivité des réparations dans l’affaire Habré. Surtout lorsque l’on sait que le nombre de victimes et les formes de réparations ne sont pas définitivement arrêtés.
      En effet, la Chambre d’assises d’appel a ouvert la perspective sur la recevabilité de nouvelles demandes de réparations et l’allocation de réparations collectives et morales par le FPV. La Chambre d’assises d’appel a estimé qu’autoriser la production de moyens de preuve supplémentaires en appel pour des centaines de constitutions de parties civiles affecterait significativement la durée de la procédure d’appel et porterait atteinte au droit statutaire de l’Accusé d’être « jugé sans retard excessif » 73xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 766. Voir également CAE, Statut, art. 21-4-c.. Elle devait donc impérativement respecter les délais qui lui ont été impartis pour sa mission. Mais afin d’éviter de causer tout préjudice aux victimes, la Chambre d’assises d’appel a invité toutes celles dont la constitution de partie civile a été rejetée par son Arrêt à s’adresser au Fonds au profit des victimes74x Ibid., para. 769.. Cette perspective fait entrevoir un alourdissement des tâches réservées au Fonds. Surtout compte tenu du fait que le Fonds devra compter sur la coopération du Gouvernement tchadien, d’autres États et des organisations internationales intéressés, et des associations de parties civiles pour l’éventuelle réalisation et la mise en œuvre des réparations collectives et morales. La Chambre d’assises avait rejeté la demande d’affectation d’une partie des sommes allouées aux victimes à des projets de développement, à l’érection de monuments à la mémoire des victimes et à la construction de centres polyvalents de formation professionnelle, sur le motif qu’elle ne comportait

      aucune donnée précise de nature à permettre à la Chambre d’en apprécier la faisabilité, notamment des données relatives au coût et à la localisation précise des monuments, le type et le coût des projets de développement.75xCAE, Décision sur l’action civile, para. 70; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 859.

      Les juges d’appel ont approuvé cette position de leurs homologues du fond pour deux raisons: (i) dans l’affaire Lubanga, la Chambre de première instance II a différé l’approbation du plan de mise en œuvre des réparations en raison de diverses imprécisions76xCPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, Ordonnance enjoignant au Fonds au profit des victimes de compléter le projet de plan de mise en œuvre, 9 février 2016; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 860.; (ii) l’aboutissement d’une demande en réparation collective dont l’exécution est requise sur le territoire d’un État tiers ne saurait prospérer qu’avec l’assistance dudit État77xChambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 861..
      Bien que le Statut des CAE ne prévoie pas la possibilité d’accorder d’autres types de réparations en dehors de la restitution, de l’indemnisation et de la réhabilitation (qui sont des réparations matérielles), le Fonds au profit des victimes devra, par pragmatisme et par souci d’efficacité des réparations, envisager sérieusement la mise en œuvre de réparations symboliques telles que la satisfaction et la garantie de non-répétition. Celles-ci seront hautement indispensables. En effet, comme l’a fait remarquer Jeangène Vilmer, « la réparation ne répare pas, elle soulage seulement » 78xJ.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 7..
      Le Fonds rencontrera certainement des difficultés dans la collecte du montant des réparations allouées par la Chambre d’assisses d’appel et celles qu’il pourra éventuellement octroyer. En effet, la coopération internationale à cet effet, au vu des atermoiements observés quant à l’opérationnalisation du Fonds notamment, ne sera pas facile à obtenir. En plus, la Chambre d’assises d’appel a plus ou moins constaté l’indigence d’Hissène Habré. Elle a constaté l’insuffisance du patrimoine du condamné pour couvrir l’intégralité des réparations individuelles. Ce qui fait reposer la charge de la collecte des sommes nécessaires pour les réparations sur le Fonds.

      L’effectivité des réparations allouées par les CAE et celles, nouvelles, que pourra accorder le Fonds constituera à coup sûr l’ultime combat des victimes d’Hissène Habré dans leur longue quête de justice. Les perspectives que l’on vient de considérer peuvent amener à penser que l’affaire Habré serait un feuilleton judiciaire sans fin. Cependant, l’on doit reconnaître que la condamnation définitive de l’accusé à une peine d’emprisonnement à vie constitue en soi une forme de réparation reconnue par le droit international. En effet, les victimes en ont certainement tiré une sorte de satisfaction. Comme disait Louis Renault, « il ne suffit pas que la justice soit juste, encore faut-il qu’elle le paraisse » 79xCité par C. PHILIP (en collaboration avec J.-Y. de CARA), « Nature et évolution de la juridiction internationale », S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale permanente, Pedone, Paris, 1987, pp. 3-43 (spéc. p. 6).. En fait, l’arrêt du 27 avril 2017 a valeur de symbole. Il prouve que l’Afrique est en mesure de poursuivre et juger ses anciens chefs d’État accusés d’atrocités heurtant l’humanité dans son ensemble. L’œuvre de justice pénale régionale entreprise à travers l’institution des CAE ne doit cependant pas constituer un moyen de protéger les Africains de la justice pénale internationale. De fait, un observateur pointait que « [s]i le mouvement vers la justice pénale régionale doit, en principe, être bien accueilli, les circonstances et les motifs concrets de certains États africains sont préoccupants » 80xVoir K. AMBOS, « Introduction » [version française], in : K. AMBOS / O. A. MAUNGANIDZE (dir.), Pouvoir et poursuite: Défis et opportunités pour la justice pénale internationale en Afrique Subsaharienne, vol. 24, « Göttingen Studies in Criminal Law and Justice », Göttingen, Universitätsverlag Göttingen, 2012, pp. 13-21 (spéc. p. 19).. La logique voudrait que les capacités opérationnelles des systèmes judiciaires nationaux et régionaux soient renforcées dans la mesure où ceux-ci ont normalement la primauté dans la poursuite des crimes internationaux commis sur les territoires des États concernés. Ceci correspond à l’idée de complémentarité positive promue par des États parties à la CPI et le Procureur de la CPI81x Ibid. Selon les mots du Bureau du procureur de la CPI, la complémentarité positive signifie « une politique volontariste de coopération visant à encourager les procédures nationales », voir CPI/Bureau du procureur, Stratégie en matière de poursuites, 2009-2012 (1er février 2010), p. 5..

    Noten

    • 1 « Aujourd’hui encore, punir reste une activité énigmatique », pointait M. CUSSON en 1987; voir de cet auteur, Pourquoi punir ?, Paris, Dalloz, 1987, p. 1.

    • 2 Pour la réflexion doctrinale sur cette affaire, voir notamment I. SANSANI, “The Pinochet Precedent in Africa: Prosecution of Hissène Habré”, Human Rights Brief, volume 8, Issue 2, 2001, pp. 32-35; R. BRODY, « Les poursuites contre Hissène Habré: un ‘Pinochet africain’ », in: SOS Attentats / G. DOUCET (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Calmann-Lévy, Paris, 2003, pp. 307-326; A. CISSE, « La Responsabilité pénale des chefs d’État africains en exercice pour crimes internationaux graves », in: SOS Attentats / G. DOUCET (Dir.), ibid., pp. 247-254. D. N. SHARP, “Prosecutions, Development, and Justice: The Trial of Hissein Habré”, Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp. 147-177; J. SEROUSSI, « L’internationalisation de la justice transitionnelle: l’affaire Habré », Critique internationale, n° 30, janvier-mars 2006, pp. 83-102; M. ALBARET, « Acteurs et interdépendances dans l’affaire Hissène Habré », Études internationales, vol. 39, n° 4, 2008, pp. 563-585; V. SPIGA, “Non-retroactivity of Criminal Law: A New Chapter in the Hissène Habré Saga”, Journal of International Criminal Justice (2011), pp. 1-19.

    • 3 Il s’agit notamment du Comité contre la Torture, de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la Cour de justice de la CEDEAO et de la Cour internationale de justice.

    • 4 Voir House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet, 24 mars 1999. Dans cette affaire, la Chambre des Lords avait fondé sa compétence sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, 1465 R.T.N.U. 85 (entrée en vigueur: 26 juin 1987), qui prévoit le principe de compétence universelle des juridictions nationales. Il y a par ailleurs été précisé, et c’est le plus important, qu’un ancien chef d’État ne bénéficiait pas d’une immunité de juridiction pénale pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions lorsque ces actes constituent des crimes internationaux et notamment la torture. Même si Augusto Pinochet n’a pas finalement été extradé en Espagne comme le sollicitait le juge Garzón, cette affaire constitue un grand précédent en matière de responsabilité pénale d’anciens chefs d’État pour crimes internationaux.

    • 5 Pour une présentation chronologique de cette affaire allant du 1er décembre 1990 au 20 juillet 2015 (date de l’ouverture du procès à Dakar), voir FIDH, Chronologie de l’affaire Habré, publiée le 16 juillet 2015.

    • 6 Voir Présentation de l’affaire Habré, http://www.chambresafricaines.org/index.php/l-affaire-habre/presentation.html (consultée le 25 octobre 2017).

    • 7 L’article 75 du Statut de Rome prévoit, pour la première fois dans l’histoire du droit international pénal, un régime de réparation en faveur des victimes. Certains commentateurs ont pu considérer les réparations comme « the most important restorative element in the Statute ». Voir G. BITTI et H. FRIMAN, “Participation of Victims in the Proceedings”, in: R. S. LEE (ed.), The International Criminal Court: Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, Transnational Publishers, Ardsley, 2001, pp. 456-474 (spéc. p. 457).

    • 8 CAE, Statut, articles 27 et 28.

    • 9 Voir S. PELLET, « Article 75 – Réparation en faveur des victimes », in: J. FERNANDEZ et X. PACREAU (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commentaire article par article, Pedone, Paris, 2012, pp. 1651-1668 (spéc. p. 1652).

    • 10 Voir les résolutions 687 (1991) et 706 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies datées respectivement du 3 avril 1991 et du 15 août 1991. Cf. ibid.

    • 11 Voir la Résolution 60/147 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 16 décembre 2005 relative aux Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Doc. off. AG NU, 60ème session, Doc. NU A/RES/60/147 (2005) [Principes fondamentaux des Nations Unies]. Ces principes sont aussi appelés « principes van Boven ». La doctrine considère que cette évolution est le signe d’une reconnaissance généralisée du fait que la réparation est un élément essentiel de la restauration du tissu social et de l’instauration d’une paix durable. Voir S. PELLET, op. cit., p. 1652. Voir également C. JORDA et J. de HEMPTINNE, “The Status and Role of the Victim”, in: A. CASSESE, P. GAETA et J. R.W.D. JONES (eds.), The Rome Statute of the International Criminal Law: A Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2002, pp. 1387-1419 (spéc. p. 1398); G. BITTI et H. FRIMAN, in : R. S. LEE (ed.), The International Criminal Court: Elements of Crimes and Rules of Procedure and Evidence, Transnational Publishers, Ardsley, 2001, pp. 456-474 (spéc. p. 457).

    • 12 CIDH, Gonzalez et autres c. Mexique (Affaire du Champ de coton), Exceptions préliminaires, fond, réparations et dépens, arrêt du 16 novembre 2009, para. 450.

    • 13 J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, préface d’Antoine Garapon, PUF, Paris, 2009, p. 59.

    • 14 CPJI, Affaire relative à l’usine de Chorzów (Allemagne c. Pologne), 13 septembre 1928, CPJI, série A, n° 17, p. 47: « [l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite et qui semble se dégager de la pratique internationale […], est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquence de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis ».

    • 15 La « justice rétributive » est définie comme étant « l’attribution d’un blâme et, dans la plupart des cas, d’une sanction punitive à des personnes qui ont violé une norme ». Voir J.-P. BRODEUR, « Justice distributive et justice rétributive », Philosophiques, Vol. 24, n°1, Printemps 1997, pp. 71–89 (spéc. p. 72).

    • 16 J. FERNANDEZ évoque ainsi « le passage d’une justice rétributive axée sur la condamnation de l’accusé à une justice restorative [sic] qui pose la victime au cœur de l’action judiciaire »; voir de cet auteur, « Variations sur la victime et la justice pénale internationale », Amnis (Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques), n° 6, 2006, http://amnis.revues.org/890 (consulté le 18 novembre 2017). En toute hypothèse, la majorité des sujets du droit international affirme aujourd’hui « qu’il ne peut y avoir de paix sans justice ni de justice sans reconnaissance des victimes » (ibid.).

    • 17 J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 7.

    • 18 Ibid.

    • 19 Chambre d’assises d’appel, Le Procureur général c. Hissein Habré, Arrêt, 27 avril 2017 (« Arrêt définitif »), para. 939.

    • 20 Il s’agit du Réseau des associations des droits de l’Homme au Tchad.

    • 21 Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad.

    • 22 CAE, CHAA/06, Mémoire d’appel du groupe AVCRP et RADHT, 7 décembre 2016, p. 3.

    • 23 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 575.

    • 24 Les juges se réfèrent là à J. PRADEL, Procédure pénale, 15è éd., Cujas, p. 204, para. 260; cf. Arrêt définitif, para. 576.

    • 25 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 583.

    • 26 Dans l’affaire Lubanga par exemple, la Chambre de première instance I a précisé que « la participation d’une victime au procès n’est pas une condition préalable à une demande en réparation ». Cf. CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, ICC-01/04-01/06-1119-tFRA, para. 18. La même Chambre dira plus tard, dans la même affaire, que pouvait obtenir réparations « toute personne qui aurait tenté d’empêcher la commission d’un ou plusieurs des crimes considérés, ou qui aurait subi un préjudice personnel du fait de ces crimes, qu’elle ait ou non participé au procès » ; cf. Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de réparations, 7 août 2012, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, para. 194.

    • 27 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 579.

    • 28 Ibid., para. 584.

    • 29 Voir CETC, Arrêt Duch, para. 418 et note n° 881; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 585.

    • 30 La jurisprudence de la CPI permet de distinguer deux catégories de victimes indirectes à savoir: (i) les membres de la famille de victimes directes et, (ii) « des individus qui ont subi un préjudice alors qu’ils aidaient des victimes directes ou intervenaient en leur nom ». Cf. CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 196. Voir également Principes fondamentaux des Nations Unies, op. cit., principe 8.

    • 31 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 585.

    • 32 CETC, Arrêt Duch, para. 418; Chambre d’assises d’appel, ibid.

    • 33 CPI, Chambre de première instance II, Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01-04-01/07, Ordonnance de réparation en vertu de l’article 75 du Statut, 24 mars 2017, para. 122. Chambre d’assises d’appel adopte aussi cette position. Cf. Arrêt définitif, para. 585.

    • 34 L’illustration des conséquences de cette extension en a été donnée dans le cadre de la Commission de compensation des Nations Unies (UNCC) pour invasion du Koweït par l’Iraq. La résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité prévoyait que l’Iraq est responsable, en vertu du droit international, « de toute perte, de tout dommage - y compris les atteintes à l’environnement et la destruction des ressources naturelles - et de tous autres préjudices directs subis par des États étrangers et des personnes physiques et sociétés étrangères du fait de son invasion et de son occupation illicites du Koweït ». Voir Résolution S/Rés. 687 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies du 3 avril 1991, § 16. Selon L. WALLEYN, « [d]es sommes considérables auraient été versées à des sociétés israéliennes, y compris des vendeurs de fleurs et des exploitants de cinéma, pour les pertes commerciales subies à cause de la situation de guerre, et certains pays auraient même tenté de soumettre des notes pour l’effort de guerre ». Voir de cet auteur, « Victimes et témoins de crimes internationaux: du droit à une protection au droit à la parole », R.I.C.R., Vol. 84, n° 845, 2002, pp. 51-78 (spéc. p. 55).

    • 35 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 589.

    • 36 Ibid., para. 829.

    • 37 CPI, Chambre de première instance II, Le Procureur c. Germain Katanga, ICC-01-04-01/07, Ordonnance de réparation en vertu de l’article 75 du Statut, op. cit., para. 49-50.

    • 38 CETC, Arrêt Duch, para. 531.

    • 39 H. NIEBERGALL, « Overcoming Evidentiary Weaknesses in Reparation Claims Programs », in : C‍. FERSTMAN et al., Reparations for Victims of Genocide, War Crimes and Crimes against Humanity, Brill, 2009, p. 150.

    • 40 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 739.

    • 41 Voir CAE, CHAA/05, p. 19; Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 831.

    • 42 Chambre d’assises, Décision sur les réparations, 29 juillet 2016, para. 71; Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 839.

    • 43 Chambre d’assises d’appel, ibid., para. 840.

    • 44 Ibid., para. 842.

    • 45 Le Comité contre la torture a estimé que « l’indemnisation financière seule n’est pas une réparation suffisante pour la victime de torture ou de mauvais traitements ». Cf. Comité des Nations Unies contre la torture, Observation générale 3, Application de l’article 14 par les États parties, CAT/C/GC/3, 13 décembre 2012, para. 9.

    • 46 Pour le plaidoyer pour les réparations symboliques et collectives, lire J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., pp. 67-69, 81-85.

    • 47 Voir Rapport du Panel à la Haut-commissaire aux droits de l’homme sur les moyens de recours et de réparation pour les victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo, mars 2011, para. 113, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_Reparations_Report_fr.pdf (consulté le 10 décembre 2017).

    • 48 Les énonciations de l’article 21-3 du Statut se lisent comme suit: « L’application et l’interprétation du droit prévues au présent article doivent être compatibles avec les droits de l’homme internationalement reconnus et exemptes de toute discrimination fondée sur des considérations telles que l’appartenance à l’un ou l’autre sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3, l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité ».

    • 49 Voir É.-F. ELASSAL, « Le régime de réparation de la Cour pénale internationale: analyse du mécanisme en faveur des victimes », R.Q.D.I., Vol. 24, n° 1, 2011, pp. 259-308, p. 289.

    • 50 Voir CIDH, Communauté Moiwana c. Suriname, Exceptions préliminaires, fond, réparations et dépens, arrêt du 15 juin 2005, para. 194 et 201.

    • 51 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 220.

    • 52 Chambre d’assises, Décision sur les réparations, op. cit., para. 62.

    • 53 Ibid., para. 65.

    • 54 Ibid., para. 68.

    • 55 Comme l’a observé la Chambre d’assises d’appel, les jurisprudences nationale et internationale rappellent de manière constante « le principe selon lequel l’évaluation du préjudice subi par une victime relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ». cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 929. Pour les exemples d’application judiciaire, voir Cour suprême du Sénégal, arrêt n° 59, Fasaly Koné et Serigne Gaye c. Pape Gora Thiam, 4 mars 2010; ibid., arrêt n° 02, Affaire APIX c. Mouhamed Tall, 9 janvier 2013; Cass. Crim. (France), 18 janvier 2017, n° 15-85511; voir également CETC, Arrêt, Duch, para. 17; TPIY, Arrêt Krnojelac, para. 12-14; TPIY, Le Procureur c. Galic, n° IT-98-29-A, Chambre d’appel, Arrêt, 30 novembre 2006, para. 9 etc.

    • 56 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 934. La Chambre s’est référée à l’Ordonnance de réparation dans l’affaire Katanga (para. 87).

    • 57 J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 62.

    • 58 Ibid., p. 59.

    • 59 Ibid., p. 62. En effet, pour JEANGÈNE VILMER, d’une part, « il y a des crimes tellement graves qu’ils sont à l’avance qualifiés d’irréparables », et d’autre part, « le préjudice n’est pas que matériel, il est souvent moral et, dans ce cas, il est impossible de lui attribuer un équivalent monétaire juste » (ibid.).

    • 60 CPI, Fonds au profit des victimes, Reviewing Rehabilitation Assistance and Preparing for Delivering Reparations: Programme Progress Report, Été 2011, p. 32.

    • 61 Voir Principes fondamentaux des Nations Unies de 2005, principe 21. Le paragraphe 14 de la Déclaration de 1985 sur les principes fondamentaux de justice prévoyait en substance la même chose.

    • 62 27e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’UA, Kigali (RWANDA), 17- 18 juillet 2016, Assembly/AU/Dec.615(XXVII), Décision sur l’affaire Hissène Habré, Doc. EX.CL/986(XXIX), https://au.int/sites/default/files/decisions/31274-assembly_au_dec_605_-620_xxvi_f.pdf (consultée le 25 octobre 2017).

    • 63 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 611.

    • 64 Voir M. KALUSZYNSKI, « La fonction politique de la justice: regards historiques. Du souci d’historicité à la pertinence de l’historicisation », in: J. COMMAILLE et M. KALUSZYNSKI (dir.), La fonction politique de la justice, Paris, La Découverte, 2007, pp. 9-23 (spéc. p. 17).

    • 65 C.I.J., Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 422. Sur le plan processuel, c’est la première fois qu’un État (la Belgique) sollicitait l’office de l’organe judiciaire principal des Nations Unies afin que celle-ci se prononce sur l’exercice de la compétence universelle.

    • 66 Voir S. BLANCHARD, « Les victimes du régime d’Hissène Habré toujours pas dédommagées », www.dw.com/fr/les-victimes-du-régime-dhissène-habré-toujours-pas-dédommagées/a-41677428 (consultée le 19 décembre 2017).

    • 67 Par analogie, le Statut de Rome a créé deux institutions peu ou prou indépendantes à savoir la CPI et le Fonds d’affectation spéciale au profit des victimes (FPV), l’objectif étant de mettre sur pied un système de justice rétributive et restaurative. Voir CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2904-tFRA, op. cit., para. 177.

    • 68 Résolution ICC-ASP/1/Res.6, adoptée par consensus, à la 3e séance plénière, le 9 sept. 2002.

    • 69 Résolution ICC-ASP/4/Res.3 (3 déc. 2005).

    • 70 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-2842, Judgment pursuant to Article 74 of the Statute, 14 mars 2012 (Chambre de première instance I).

    • 71 Voir É.-F. ELASSAL, « Le régime de réparation de la Cour pénale internationale: analyse du mécanisme en faveur des victimes », op. cit., p. 299.

    • 72 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06-3379-Red, Décision fixant le montant des réparations auxquelles Thomas Lubanga Dyilo est tenu, 15 décembre 2017 (Chambre de première instance II). Cette décision fixe le montant des réparations à la somme totale de 10 000 000 (dix millions) de dollars américains.

    • 73 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 766. Voir également CAE, Statut, art. 21-4-c.

    • 74 Ibid., para. 769.

    • 75 CAE, Décision sur l’action civile, para. 70; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 859.

    • 76 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, Ordonnance enjoignant au Fonds au profit des victimes de compléter le projet de plan de mise en œuvre, 9 février 2016; cf. Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 860.

    • 77 Chambre d’assises d’appel, Arrêt définitif, para. 861.

    • 78 J.-B. JEANGÈNE VILMER, Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, op. cit., p. 7.

    • 79 Cité par C. PHILIP (en collaboration avec J.-Y. de CARA), « Nature et évolution de la juridiction internationale », S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale permanente, Pedone, Paris, 1987, pp. 3-43 (spéc. p. 6).

    • 80 Voir K. AMBOS, « Introduction » [version française], in : K. AMBOS / O. A. MAUNGANIDZE (dir.), Pouvoir et poursuite: Défis et opportunités pour la justice pénale internationale en Afrique Subsaharienne, vol. 24, « Göttingen Studies in Criminal Law and Justice », Göttingen, Universitätsverlag Göttingen, 2012, pp. 13-21 (spéc. p. 19).

    • 81 Ibid. Selon les mots du Bureau du procureur de la CPI, la complémentarité positive signifie « une politique volontariste de coopération visant à encourager les procédures nationales », voir CPI/Bureau du procureur, Stratégie en matière de poursuites, 2009-2012 (1er février 2010), p. 5.


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