DOI: 10.5553/AJ/2352068X2017003001004

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Thème: L’Interaction normative entre les Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) et le Système Juridique National Sénégalais

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Youssoupha Diallo, 'Thème: L’Interaction normative entre les Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) et le Système Juridique National Sénégalais', (2017) African Journal of International Criminal Justice 20-43

    The Extraordinary African Chambers (CAE) within the courts of Senegal were created by the Agreement between the Republic of Senegal and the African Union of 22 August 2012 to prosecute international crimes committed in Chad between 7 June 1982 and 1 December 1990. The Chambers are governed by a Statute. For those cases not provided for in the Statute, the Chambers shall apply Senegalese law. Both laws, one of international or conventional nature and the other one national, could be applied to a trial in compliance with international standards. However, the Statute has priority over Senegalese legislation. It is indeed the Statute that is asked to settle all questions that may arise and that has made specific selective references and for any other point that it could not have foreseen.
    So, in the functioning of the CAE, both standards were able to interact. A beneficial process that, however, also has created difficulties. After the dissolution of the Chambers on 27 April 2017, Senegalese national law, that was enacted about the universal jurisdiction of international crime since 2007, should be inspired by it and adopt appropriate standards.
    Les Chambres africaines extraordinaire (CAE) au sein des juridictions sénégalaises ont été créées par l’Accord entre la République du Sénégal et l’Union africaine du 22 août 2012 pour connaitre de crimes internationaux commis au Tchad durant une période bien déterminée. De caractère international, elles sont régies par un Statut qui prévoit dans certains cas l’application du droit national sénégalais. Les deux droits, l’un d’essence internationale ou conventionnelle et l’autre nationale, ont pu être appliqués pour un procès conforme aux standards internationaux. Toutefois, le Statut prime sur le droit sénégalais. En effet, c’est le Statut appelé à régir toutes les questions qui pourrait se poser qui a opéré des renvois sélectifs expressément et pour tout autre point qu’il n’a pu prévoir. Ainsi, dans le fonctionnement des CAE, les deux normes ont pu interagir. Un procédé bénéfique qui n’a toutefois pas manqué de poser des difficultés. Après leur dissolution, le 27 avril 2017, le droit national sénégalais qui s’est lancé depuis 2007 dans la compétence universelle sur les crimes internationaux devrait s’en inspirer et adopter des normes adaptées.

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      « Si tu veux aller vite, marche seul mais
      si tu veux aller loin, marchons ensemble »
      Proverbe africain.

    • 1. Introduction

      Quand, le 26 janvier 2000, sept (7) victimes de nationalité tchadienne regroupées au sein de l’Association des victimes de crimes et répression politiques (AVCRP) au Tchad déposent plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction du Tribunal régional hors classe de Dakar pour actes de torture et crimes contre l’humanité contre Hissein Habré, ancien Président de la République du Tchad, exilé à Dakar (Sénégal) dix (10) ans plus tôt à la chute de son régime, elles sont loin d’imaginer qu’elles engagent ainsi un véritable « feuilleton politico-judiciaire » que nous n’allons pas entièrement rappeler dans notre présent propos. Ces multiples péripéties aboutiront, douze (12) années après, à la création des Chambres africaines extraordinaires (CAE) au sein des juridictions sénégalaises.
      Le 2 juillet 2006, suite à une recommandation d’un Comité d’éminents juristes africains, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine considérait l’Affaire Hissein Habré comme un dossier de l’Union et donnait « mandat » à la République du Sénégal de « poursuivre et de faire juger, au nom de l’Afrique, Hissein Habré par une juridiction sénégalaise compétente avec les garanties d’un procès juste »1xVoir la Résolution Doc/Assembly/AU/A3/VID adoptée le 2 juillet 2006 à Banjul et la Résolution Doc/Assembly/AU/DEC/40/ (XVIII) adoptée le 31 janvier 2012 à Addis-Abeba par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine., sans lui spécifier le mécanisme approprié pour exécuter ce mandat. C’est la Cour de justice de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui, dans son arrêt du 18 novembre 2010, jugera que le mandat reçu de l’Union Africaine « lui confère plutôt une mission de conception et de suggestion de toutes modalités propres à poursuivre et faire juger dans le cadre strict d’une procédure spéciale ad hoc à caractère international telle que pratiquée en Droit International par toutes les nations civilisées »2xArrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, 18 novembre 2010, Affaire Hissein Habré cl République du Sénégal, paragraphe 61.. Deux ans plus tard, sur saisine de la Belgique, la Cour internationale de Justice, dans un arrêt du 20 juillet 2012, « Dit que la République du Sénégal, en ne soumettant pas l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale contre M. Hissène Habré, a manqué à l’obligation que lui impose l’article 7, paragraphe 1, de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 » et que « la République du Sénégal doit, sans autre délai, soumettre le cas de M. Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale si elle ne l’extrade pas »3xArrêt Cour internationale de Justice, du 20 juillet 2012, question concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), paragraphe 122..
      Dans la foulée, le 22 août 2012, un Accord est signé entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l’Union africaine portant création des CAE au sein des juridictions sénégalaises. La loi n° 2012-25 du 28 décembre 2012 autorise le président de la République du Sénégal à ratifier ledit accord, et les CAE sont formellement intégrées dans l’ordre juridique sénégalais par la loi n°2012-29 du 28 décembre 2012. La loi n° 2014-26 du 3 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire du Sénégal dispose en son article 5 que les CAE « seront automatiquement dissoutes à la fin de leur mission », impliquant une admission temporaire de juridiction dans l’organisation judiciaire du Sénégal. Aux termes de l’article 3 de leur Statut, elles « sont habilitées à poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale et des conventions internationales ratifiées par le Tchad, commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990 ».
      Juridiction de caractère international par leur création (Accord), leur financement (contributions d’États et d’organismes), leur fonctionnement (application d’un Statut), leur compétence matérielle (crimes internationaux) et leur composition (présidents de chambre africains), pour connaitre de faits commis au Tchad durant la période considérée, elles consacrent, pour une fois, une véritable justice pénale africaine n’impliquant que des africains, pour connaître de crimes internationaux commis en Afrique4xÀ l’opposé par exemple du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) créés par des résolutions des Nations Unies.. Mais ce caractère international était doublé d’un caractère mixte en ce qu’elles étaient insérées dans le système judiciaire sénégalais, des magistrats sénégalais y siègent et plus décisivement, elles ont été amenées à appliquer le droit sénégalais notamment en cas de silence de leur Statut. Les CAE, sur la scène de la justice pénale internationale, ont appartenu à la « nouvelle génération » de juridictions mixtes, hybrides ou internationalisées5x« Cette nouvelle génération de juridictions pénales cherche à éviter les inconvénients propres au jugements par les juridictions nationales (conflit avec le droit international classique, risque de politisation, obstacles procéduraux et politiques…) tout en explorant une voie alternative à celle des juridictions pénales internationales, jugées parfois trop lointaines par rapport aux situations nationales, et surtout trop coûteuses » Olivier De Frouville, Droit international pénal, Sources, incriminations, responsabilité, Éditions A. Pedone, 2012, page 25 à 26..
      Ainsi, pour la première fois en Afrique, un pays, le Sénégal, a abrité dans son système judiciaire, en exécution d’un accord endogène, une juridiction à caractère international pour connaitre de faits de crimes internationaux non commis au Sénégal, mais au Tchad. Elles ont été rattachées au système judiciaire sénégalais tout en étant autonomes dans leur mode de fonctionnement comme le caractérise l’indépendance de leur parquet général posé par l’article 12(2) du Statut, contrairement au droit sénégalais où le ministère public est régi par la hiérarchie. Dissoutes de plein droit conformément à leur Statut après la dernière décision rendue, elles laissent des questions comme l’exécution de la sanction pénale, les réparations dues aux victimes et toutes autres questions postérieures. Les CAE ont ainsi bousculé, ne serait-ce que durant le temps de leur existence, du 22 août 2012 au 27 avril 2017, voire au-delà, l’organisation habituelle de la justice sénégalaise depuis les indépendances.
      L’intérêt des CAE réside par ailleurs principalement dans le lien qu’elles ont entretenu avec le système juridique national sénégalais. L’article premier 4° de l’Accord portant leur création dispose déjà que, de « caractère international, les Chambres africaines extraordinaires appliquent leur statut, le droit pénal international, le Code pénal, le Code de procédure pénale sénégalais et les autres lois sénégalaises pertinentes ». Si on se limite à cet article, on aurait pu penser que toutes ces sources de droit étaient placées sur le même pied d’égalité, ce qui serait difficilement concevable pour ne pas dire, inapplicable. C’est plus loin en annexe du dudit Accord, plus précisément au Statut des CAE qu’il sera déterminé ce qu’on pourrait qualifier de « règle de préséance » ou de modalité d’application de ces différentes ordres juridiques ou normes. Aux termes de son article 16 relatif au droit applicable, « les Chambres africaines appliquent le présent Statut. Pour les cas non prévus au présent Statut, elles appliquent la loi sénégalaise ». Relativement à la procédure, l’article 17 prévoit que « les Chambres africaines extraordinaires appliquent en premier lieu le présent Statut, pour les cas non prévus le Code de procédure pénale sénégalais ». L’article 22 ajoute que « les audiences sont publiques et les questions relatives à la conduite des audiences sont régies par le Code de procédure sénégalais ». L’article 26 prolonge cette application de la norme sénégalaise dans le cadre des mesures de détention provisoire et de l’exécution des peines. Le droit sénégalais se trouve ainsi au cœur du fonctionnement des CAE, parfois à des niveaux insoupçonnés car leur Statut ne pouvait tout prévoir pour la tenue d’un procès pénal. Ainsi, il est généralement admis que le principe est l’application du Statut des CAE, et qu’en cas de carence de celui-ci sur un point bien précis, on a recours à la loi sénégalaise.
      L’application par les CAE de deux sources de droit, international et national, a certes posé des difficultés mais reste bénéfique, surtout pour le droit national sénégalais qui doit largement s’en inspirer eu égard à la compétence universelle désormais en vigueur. Une véritable interaction était née en ce que les deux ordres juridiques s’influençaient réciproquement ou s’entrecroisaient pour assurer au niveau des CAE, un procès pénal conforme aux standards internationaux, d’où l’intérêt de cette étude. Pour reprendre le Littré, interagir, c’est « agir en même temps et l’un sur l’autre »6xLe Nouveau Littré, Edition augmentée du Petit Littré, page 727.. Finies les questions sur la légalité des CAE et la nomination de magistrats sénégalais par le président de la Commission de l’Union africaine ainsi que sur la constitutionnalité des accords et des textes sénégalais subséquents, qui ont été du reste tranchées par les juridictions7xCour de Justice de la CEDEAO, Affaire Hissein Habré c. République du Sénégal, 5 novembre 2013; Arrêt n° 6 du 23/01/2015, de la Cour suprême du Sénégal; Décision dans l’Affaire n° 1-C-2015 du 02 mars 2015 du Conseil constitutionnel du Sénégal.. Il s’agit désormais d’entrer de plain-pied dans le fonctionnement des CAE pour saisir, in concreto, comment elles ont su se mouvoir entre les différentes normes.
      Pour mieux saisir la problématique, il convient d’examiner, l’application du droit sénégalais par les CAE (I) et l’impact espéré des CAE sur le droit national sénégalais (II).

    • 2 Le droit national sénégalais au niveau des Chambres africaines extraordinaires

      Régies par leur Statut qui fait partie intégrante de l’Accord portant leur création, les CAE sont appelées, a priori, à appliquer uniquement ce Statut. Mais ce dernier, par le biais de mécanismes appropriés, a prévu un recours au droit national sénégalais pour régler bien des questions de procédure en l’absence d’un Règlement de procédure et de preuve adopté par les juges en application du Statut, comme il est d’usage au niveau des tribunaux pénaux internationaux8xLe Règlement de procédure et de preuve de tribunaux pénaux internationaux comme la CPI, le TPIY et le TPIR, et de tribunaux mixtes comme le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), les Chambres spéciales pour crimes graves du Timor-Leste et les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC).. Mais ce mécanisme qui consiste pour les CAE à appliquer le droit international et le droit national sénégalais n’est pas uniforme. Le Statut qui exclut le droit sénégalais pour affirmer le caractère international des CAE (A), admet cependant l’application de la loi sénégalaise de manière subsidiaire (B) ou tout renvoie simplement au droit sénégalais (C).

      2.1 Le principe: l’exclusion du droit sénégalais

      Les CAE appliquent d’abord leur Statut pour connaitre du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et de la torture érigée en crime autonome, commis au Tchad dans la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990. À l’instar des juridictions pénales internationales9xLes tribunaux pénaux internationaux ad hoc comme le Tribunal militaire international de Nuremberg, leTribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou permanents comme la Cour pénale internationale. Les tribunaux internationalisés ou mixtes comme les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. et des juridictions mixtes ou internationalisées, les CAE sont d’abord régies par leur Statut qui fait partie intégrante de l’Accord portant leur création.
      Le Statut des CAE, sans le dire expressément ou implicitement, exclut pour certaines questions l’application du droit sénégalais. En instaurant une application subsidiaire du droit sénégalais ou en opérant des renvois sélectifs à celui-ci, le Statut des CAE affirme sa primauté sur toute autre source de droit. Les CAE appliquent le droit issu de leur Statut, le droit international conventionnel, avec les différents instruments internationaux et le droit coutumier10x« La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit », article 38 du Statut de la Cour internationale de justice » http://www.un.org/fr/documents/icjstatute/pdf/icjstatute.pdf. « La coutume occupe une place centrale parmi les différents éléments de formation du droit international. Ce sont d’abord les normes coutumières qui en régissent de nombreux et importants domaines, surtout sous leur aspect général. Le droit coutumier est ensuite omniprésent au sein des autres éléments, dont il définit en large part le régime juridique ». Jean Combacau, Serge Sur, Droit international public, 9ème édition, page 54., source importante du droit international. Aux termes de son article 3 seront poursuivis et jugés, « le ou les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international, de la coutume internationale et des conventions internationales ratifiées par le Tchad… » La primauté du droit international est ainsi affirmée, notamment dans l’application des lois pénales de fond comme les incriminations et les modes de responsabilité.
      Contrairement à ce qui pourrait être affirmé, les CAE étaient entièrement régies par leur Statut. Si ce Statut fait référence au droit sénégalais, il n’en demeure pas moins que c’est en son application que le droit sénégalais est invoqué. Autrement dit, les CAE n’ont pas directement appliqué le droit sénégalais comme le ferait une juridiction nationale, mais par l’intermédiaire de leur Statut. En définitive, en recourant au droit sénégalais, les CAE appliquaient en fait, dans l’absolu, le Statut qui les régissait.
      Tout part du Statut. Il réglait en réalité tous les aspects des CAE tels les compétences rationae materiae, ratione temporis, ratione loci et ratione personae, la définition des crimes relevant de la compétence des CAE, la composition des CAE, la responsabilité pénale individuelle, les réparations, les attributions des parties, l’administration des CAE, les peines encourues et l’exécution de la peine.
      Sous un autre angle, certaines dispositions du Statut excluent l’application du droit sénégalais. Il en est ainsi de l’article 17 (2) qui exclut la médiation11xAu Sénégal, depuis 1999, la médiation pénale est instituée par la loi n°99-88 du 3 septembre 1999 modifiant les dispositions de l’article 32 du Code de procédure pénale sénégalais. Cette institution alternative de règlement des conflits au niveau de la justice est surtout appropriée pour les affaires mineures, ce qui exclut bien entendu les crimes internationaux. pour les crimes relevant de la compétence des CAE.
      Si dans le droit sénégalais en général, on pourrait penser que la victime est, à quelques exception près, l’égale du ministère public dans la mise en mouvement de l’action publique par le moyen de la plainte avec constitution de l’action publique régies par les articles 76 et suivants du Code de procédure pénale (CPP), le Statut des CAE pose un pouvoir exclusif du ministère public. Dans ce sens, l’article 17 (3) dispose que « l’action publique ne peut être mise en mouvement que par le ministère public près les Chambres africaines extraordinaires ». La place de la victime dans la mise en mouvement de l’action publique est en général écartée en droit pénal international. Au niveau des CAE, pour le déclenchement des poursuites, les victimes se limitent, comme l’édicte l’article 12 (4) à déposer « plainte » auprès du Procureur.
      Avant de mettre en mouvement l’action publique proprement dite, la pratique au niveau des parquets au Sénégal veut, et ceci conformément à la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant CPP, tel que modifié, que des mesures d’enquête régies par le titre II, enquête de flagrance, articles 45 à 66, enquête préliminaire, article 67 à 69 soient effectuées. L’enquête est un levier essentiel pour l’exercice de l’action publique. Ces investigations, destinées à établir des faits et en identifier les auteurs, sont diligentées par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire sous la direction du procureur de la République.
      Cette phase d’enquête, préalable à l’acte de poursuite proprement dit, largement pratiquée devant les tribunaux pénaux internationaux12xVoir les articles 53 à 55 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale., n’a pas été formellement empruntée par le parquet général près les CAE, avant d’exercer des poursuites. D’aucuns, habitués à la pratique des parquets qui consiste à s’appuyer sur une enquête de police ou de gendarmerie avant l’exercice de l’action publique, se sont sans doute étonnés du déclenchement des poursuites par la délivrance du réquisitoire introductif sans cette phase. Même s’il faut relever que le Statut des CAE n’exclut pas expressément la phase de l’enquête, car, aux termes de son article 12 (3), le ministère public « dispose, à cet effet, des pouvoirs qui lui sont conférés par le Code de procédure pénale sénégalais », les parties signataires ont prévu ce qu’on pourrait considérer comme un raccourci facultatif. En effet, aux termes de l’article 17 (4) du Statut des CAE, « le Procureur peut ouvrir une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, organisations internationales et non-gouvernementales ou sur plaintes des victimes sans préjudice de leur lieu de domiciliation ». Si le but de l’enquête préliminaire est d’élucider des faits, de découvrir les auteurs, on peut se poser une question sur son opportunité s’il existe des éléments pertinents pouvant valablement la suppléer.
      Cette absence d’enquête préliminaire, similaire à la procédure prévue à l’article 18 (1) du Statut du TPIY13x« 1. Le Procureur ouvre une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l’Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et se prononce sur l’opportunité ou non d’engager les poursuites. » Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie., n’exclut nullement le pouvoir classique du ministère public d’apprécier d’une part l’authenticité des sources, et d’autre part le poids des indices contenus dans ces sources avant de décider de l’ouverture d’une information. Il doit évaluer ces renseignements. Dans le cadre de l’évaluation des sources, le ministère public apprécie tout simplement le poids des indices à sa disposition qui ne doivent pas être confondus ni avec les charges ni avec les preuves qui sont exigées au niveau des phases ultérieures du procès pénal, à savoir, respectivement, l’instruction et le jugement. Situés en amont et à un degré moindre, les indices sont tous éléments constatés de nature à établir les faits et la participation des personnes mises en cause. Si les indices sont généralement d’essence policière, il faut noter que leur appréciation par le ministère public, en l’espèce le parquet général près les CAE, est soumise à un niveau d’exigence élevé pour une bonne stratégie de poursuites. Mieux, avant de saisir la Chambre d’instruction conformément à l’article 71 du CPP sénégalais qui dispose que « le juge d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du procureur de la République », le Procureur général a exécuté, avec son équipe, une mission au Tchad14x http://www.chambresafricaines.org/index.php/presentation-des-chambres/parquet-general/487-la-visite-du-procureur-general-des-cha.. Ce procédé a par ailleurs cet avantage que cette Chambre d’instruction saisie va mener les investigations de manière indépendante comme il est généralement pratiqué dans les systèmes de tradition romano-germanique; ce qui laisse déjà entrevoir la place du droit sénégalais au niveau des CAE.

      2.2 L’admission du droit sénégalais, une solution nécessaire

      Le Statut des CAE, comme celui des tribunaux pénaux internationaux était un cadre très étroit pour prévoir toutes les règles de procédure et de preuve applicables. Si certains statuts ont prévu un Règlement de procédure et de preuve, d’autres, comme celui des CAE, ont admis l’application du droit national, en l’espèce sénégalais, à travers deux mécanismes: celui de l’application subsidiaire de la loi sénégalaise ou tout simplement le renvoi à celle-ci.

      2.2.1 Le recours subsidiaire au droit sénégalais

      La subsidiarité place le recours au droit sénégalais en deuxième position. Autrement dit, les CAE ne sont pas appelées à y recourir de manière directe ou systématique, mais après avoir bien considéré leur Statut qui figure en première ligne des normes à appliquer. Aux termes de l’article 16 du Statut des CAE, « 1. Les Chambres africaines appliquent, le présent Statut. 2. Pour les cas non prévus au présent Statut, elles appliquent la loi sénégalaise. » L’article 17 (1) relatif à la procédure et au déclenchement de l’action publique reprend presque les mêmes termes: « les Chambres africaines extraordinaires appliquent en premier lieu le présent Statut et pour les cas non prévus, le Code de procédure pénale sénégalais ».
      Si, dans la structure des CAE, le Statut avait prévu une Chambre africaine extraordinaire d’instruction, il ne contient aucune disposition sur les pouvoirs de celle-ci, ses attributions et la procédure d’instruction proprement dite. Ainsi, cette formation s’est rabattue sur le CPP sénégalais, notamment au titre premier en son Chapitre III intitulé « Du juge d’instruction » et au titre III « De l’instruction ».
      De prime abord, en se limitant uniquement au Statut des Chambres, on pourrait penser que les juges d’instruction composant la Chambre africaine extraordinaire d’instruction étaient habilités à accomplir directement leurs actes en territoire tchadien. Mais outre leur intégration dans le système judiciaire sénégalais, l’Accord de coopération judiciaire entre la République du Sénégal et la République du Tchad pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, signé le 3 mai 2013, définit déjà le cadre d’intervention des autorités judiciaires des Chambres. Son article 2 énonce que le « présent Accord n’habilite aucune partie à exercer sa compétence sur le territoire de l’autre partie ni les fonctions réservées exclusivement aux autorités de l’autre Partie conformément à sa législation interne ».
      À travers cet accord d’entraide judiciaire, les CAE appelées à connaitre des crimes internationaux, sont logées à la même enseigne qu’un tribunal national sénégalais, du moins, dans le cadre de l’accomplissement de ses actes d’instruction ou d’investigation. Les deux Parties furent amenées à signer cet Accord de coopération judiciaire uniquement valable pour les faits relevant de la compétence des CAE.
      Les juges d’instruction de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction, pour accomplir les actes en territoire tchadien, ont fait application de l’article 142 du CPP qui dispose que « le juge d’instruction peut requérir, par commission rogatoire, tout juge d’instruction ou tout juge de paix de son ressort[…]de procéder aux actes d’information qu’il estime nécessaires dans les lieux soumis à la juridiction de chacun d’eux ». Pour agir au Tchad, ils ont eu recours à des commissions rogatoires internationales, en application notamment de l’accord de coopération judiciaire précité liant le Sénégal au Tchad. Dans l’ordonnance de mise en accusation et de renvoi de Hissein Habré, revenant sur sa compétence ratione loci, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction dira, notamment, que « conformément au principe de la territorialité, la compétence des CAE se limite au cadre du territoire du Sénégal, à l’instar des autres juridictions sénégalaises dans lesquelles elles sont intégrées. Pour les besoins de l’instruction qui a été menée en partie au Tchad, la Chambre a ainsi été amenée à solliciter les juges et autorités judiciaires du Tchad par le biais des commissions rogatoires internationales »15xOrdonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises, rendue le 13 février 2015. http://www.chambresafricaines.org/pdf/OrdonnanceRenvoi_CAE_13022015.pdf . Les CAE étant créées au sein des juridictions sénégalaises, leur compétence en territoire étranger est régie par deux principes majeurs en droit international: le fait qu’un État ne peut exercer son pouvoir sur le territoire d’un autre État et l’égalité souveraine entre tous les membres de l’Organisation des Nations Unies posé par l’article 2, paragraphe 1 de la Charte des Nations Unies16x http://www.unesco.org/education/pdf/CHART_F.PDF. .
      Ainsi, les actes d’instruction constitués essentiellement de l’audition de victimes et des témoins, de l’interrogatoire de l’accusé, de confrontations, du transport sur les lieux aux fins de constatations, et de l’exhumation de restes mortels, ont été accomplis principalement sur deux territoires nationaux:

      • Au Tchad par le moyen des commissions rogatoires internationales. Les juges d’instruction ont sollicité leurs homologues du Tchad pour les exécuter. Bien que leur présence lors de l’exécution des CRI leur ait permis de s’imprégner et de s’assurer de l’accomplissement des actes, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été effectivement accomplis par les autorités judiciaires du Tchad et revêtus de leur sceau17xArticles 130 et suivants de l’Ordonnance n° 13-PR-MJ du 9 juin 1967, telle que modifiée portant Code de procédure pénale du Tchad.. Les actes exécutés par les officiers de police judiciaire du Tchad, en présence d’officiers de police judiciaire sénégalais, l’ont été sur la base d’une subdélégation des autorités judiciaires tchadiennes requises. Généralement envoyée par la voie diplomatique, une procédure qui peut s’avérer lente, l’Accord de coopération judiciaire entre le Sénégal et le Tchad, à l’instar de la pratique des coopérations judiciaires entre États18xExemple: Article 23 de la Convention de coopération en matière judiciaire entre le Gouvernement de la république française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 29 mars 1974., indique que « les commissions rogatoires seront adressées pour approbation par le Ministère de la justice de l’État requérant à celui de l’État requis. En cas d’urgence, elles peuvent être adressées directement par l’Autorité judiciaire compétente du Sénégal à l’Autorité judiciaire compétent du Tchad ». Aussi, le facteur bloquant que pouvait constituer le principe de la double incrimination dans le cadre de l’extradition par exemple, le Code pénal tchadien ne comportant pas de dispositions identiques ou équivalentes aux crimes internationaux de la compétence des CAE19xVoir l’Ordonnance n°12-67-PR-MJ, telle que modifiée, portant promulgation du Code pénal du Tchad., a été écarté par l’article 5 qui stipule que « l’assistance est accordée même si le fait qui lui a donné lieu n’est pas punissable par la législation de l’État requis »;

      • Pour les actes d’instruction accomplis à Dakar, leur siège, les juges avaient retrouvé leur pleine compétence nationale.

      L’instruction qui a concentré tous les actes d’investigation dans l’affaire Hissein Habré a été ainsi menée en application du CPP sénégalais, un système inquisitoire. Saisi d’un réquisitoire introductif du Procureur général près les CAE, la Chambre d’instruction a inculpé Hissein Habré sur la base des articles 101 et suivants du CPP relatifs aux formalités d’interrogatoire de l’inculpé. Tous les actes subséquents comme son interrogatoire au fond, l’audition des témoins et victimes, les expertises ordonnées, les perquisitions et saisies effectuées, ont été accomplis conformément au droit sénégalais. Pour l’interrogatoire au fond de l’inculpé, assimilé à une audience d’une juridiction, une question avait été soulevée, en exemple, sur le port du turban par Hissein Habré. Le parquet général a requis que ce dernier se conforme à l’article 62 du Code de procédure civile sénégalais qui dispose que: «Ceux qui assistent aux audiences doivent se tenir découverts, dans le respect et le silence ». Si la requête a été rejetée par la Chambre d’instruction, la décision a été infirmée par l’arrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’accusation qui décide que les articles 61 et 62 sont applicables20xChambre africaine extraordinaire d’accusation, arrêt du 29 avril 2014. http://www.enqueteplus.com/content/incident-aux-chambres-africaines-extraordinaires-hier-hissein-habr%C3%A9-arrive-en-turban-mback%C3%A9. .
      L’application du CPP sénégalais a aussi concerné les formalités de convocations des parties, les avis faits aux parties, les communications de pièces aux parties, les délais d’accomplissement, de communication des différents actes et ordonnances et les délais d’appel.
      À la clôture de l’information, l’appréciation des charges a été faite à la lumière de l’article 171 du CPP qui, pour le renvoi d’un inculpé devant la juridiction de jugement, exige « des charges constitutives d’infraction pénale » devant revêtir une certaine force probante dont l’appréciation relève du pouvoir souverain du juge d’instruction à travers les éléments objectifs et pertinents du dossier, avec le droit d’appel du ministère public.
      Si pour les cas ainsi examinés le Statut des CAE indique une application subsidiaire du droit sénégalais, pour d’autres il renvoie expressément à celui-ci.

      2.2.2 Le mécanisme du renvoi au droit sénégalais

      Par le mécanisme du renvoi, le Statut des CAE, d’autorité, demande l’application directe du droit sénégalais. On peut même dire que le droit sénégalais est applicable directement sans qu’on ait besoin de se référer au Statut si ce n’est pour faire application de ce renvoi.
      Au niveau de l’instruction, l’article 31 (1.b) dispose: « lors de la phase d’instruction, les juges de la Chambre africaine extraordinaire d’Accusation sont saisis et statuent sur tout recours qui leur sera déféré en vertu du Code de procédure pénale sénégalais ». Juridiction d’instruction du second degré, cette chambre a officié sur la base des articles 185 à 212 du CPP. Sur appel des parties contre les ordonnances de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction, elle a eu à rendre des décisions comme le ferait une chambre d’accusation d’une cour d’appel nationale. Aussi, son Président disposait de pouvoirs propres de contrôle du bon fonctionnement de la Chambre africaine extraordinaire d’instruction.
      En ce qui concerne les greffiers en fonction au niveau des CAE, leurs attributions selon l’article 13 (1) « sont déterminées conformément au Code de procédure pénale sénégalais ». Lors de l’instruction, en vertu de l’article 72 du CPP sénégalais, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction a été toujours assistée d’un greffier qui a accompli les fonctions que lui attribuent les articles 72 et suivants. Le rôle des greffiers qui consiste à tenir la plume à l’audience conformément à la loi sénégalaise a été rigoureusement respecté. Ce rôle s’est même bonifié par la rédaction de transcrits, une pratique en cours dans les tribunaux pénaux internationaux. Le simple registre d’audience utilisé au plan national montre ses limites compte tenu du volume des auditions, des plaidoiries et des réquisitions.
      La participation des victimes au niveau des CAE a été consacrée notamment par l’article 14 qui posait des règles spécifiques comme la possibilité de se constituer partie civile à tout moment au cours de l’instruction, la possibilité pour elles de se regrouper et d’avoir un représentant. L’article 14 (5) disposait en sus que « sous réserve des dispositions du présent Statut, les modalités de la participation des victimes sont régies par le Code de procédure pénale ». Ainsi, les modalités d’audition des victimes ont été accomplies selon les règles du CPP sénégalais. Toutefois, comme l’a relevé la Chambre extraordinaire d’assises d’appel, les notions de victime et de partie civile ont posé des difficultés entre le droit national sénégalais et la pratique en cours en droit pénal international. En effet, « la Chambre d’assises d’appel note qu’en droit romano-germanique, si la victime est titulaire de l’action civile, seul le concept d’action civile est juridique. Celui de victime est sociologique. Dès lors, la notion de victime n’est pas définie par le droit sénégalais. Ce dernier ne définit que la notion de partie civile. Toutefois, la Chambre d’assises d’appel note qu’à l’instar de ce que prévoit l’article 28 (2) du Statut, les principes internationaux et la pratique des tribunaux internationaux en grande partie ne conditionnent pas l’obtention des réparations à la participation au procès, c’est-à-dire que le droit à réparation n’est pas subordonnée à la qualité de partie civile »21xArrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 133, paragraphes 576 et 577. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf.. Les réparations peuvent ainsi être allouées, que la victime ait ou non participé au procès.
      Sur la tenue de l’audience proprement dite, l’article 22 du Statut des CAE dispose: « les audiences sont publiques et les questions relatives à la conduite des audiences sont régies par le Code de procédure pénale sénégalais ». C’est sur la base de ce texte que la Chambre d’assises d’appel a eu à connaître d’un cas de trouble d’audience22x«Le 16 septembre 2015, la chambre était amenée à juger Mahamat Togoi Ali, ressortissant tchadien, pour troubles à l’audience en vertu de l’article 278 du CPP… » Jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public c. Hissein Habré, 30 mai 2016, page 29, paragraphe 113. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf., la nullité alléguée de l’ordonnance de renvoi de Hissein Habré23x«Le Statut ne contenant pas de dispositions relatives à une nullité de l’ordonnance de renvoi, il convient, dès lors, d’appliquer les dispositions du Code de procédure pénale sénégalais aux fins de statuer sur la Requête aux fins de nullité de l’ordonnance de renvoi. L’article 164 du Code de procédure pénale énonce… ». Jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public c. Hissein Habré, 30 mai 2016, page 35, paragraphe 136 à 137. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf.. Mais à y voir de plus près, les principes généraux qui gouvernent l’instruction et l’audience ont été préalablement fixés par l’article 21 du Statut des CAE intitulé « droit de l’accusé » même si, il faut le relever, son contenu va au-delà des droits de la défense: l’égalité des accusés devant les CAE, le caractère équitable et public du procès devant les CAE, la présomption d’innocence, le principe du contradictoire, le droit d’être défendu par un conseil librement choisi ou commis d’office24xL’accusé Hissein Habré avait des conseils qu’il s’était librement choisi. Mais lors de sa comparution devant la Chambre africaines d’assises, trois conseils ont été commis d’office pour l’assister face au boycott de ses premiers avocats., le droit à un procès dans un délai raisonnable « sans retard excessif », le droit d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et de faire comparaître des témoins à décharge, se faire assister d’un interprète le cas échéant, le droit de ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable. Ces principes posés sauvegardent les standards internationaux du procès pénal.
      Il convient de souligner un point qui semble anecdotique. En pratique, au niveau des juridictions correctionnelles ou criminelles au Sénégal, pour l’ouverture des audiences, le ministère public accède à la salle, à la suite, et en même temps que le Président et ses assesseurs. Au niveau de la Chambre africaine d’assises durant tout le procès, le parquet général précédait la Chambre dans la salle d’audience. Il attendait l’arrivée de la Chambre au même titre que les autres parties. Cette pratique, en cours au niveau des juridictions pénales internationales marque davantage la qualité de partie du parquet et a assuré tant soit peu l’égalité des parties. Mais le parquet général a gardé sa place sur l’estrade au même niveau que la Chambre et non au bas de l’estrade, sur le plancher, une pratique d’origine anglo-saxonne, système de tradition accusatoire en cours dans les juridictions pénales internationales.
      La tenue de conférences de mise en état, avant l’audience et après les débats, en présence des parties, non expressément prévue par le CPP sénégalais, a permis à la Chambre de régler certaines questions pratiques relatives à l’organisations du procès, à son calibrage, comme le temps de parole, les échanges de mémoires et les horaires des audiences.
      Le procès Habré s’était tenu, dans la phase de jugement, conformément au CPP sénégalais, plus précisément, comme une audience d’une chambre criminelle. Il en était ainsi des actes préparatoires comme l’interrogatoire d’identité préalable de l’accusé, la fixation de la date d’audience25x20 juillet 2015., la comparution forcée devant la Chambre d’assises de l’Accusé Hissein Habré récalcitrant26xArticle 265 du CPP: « Si l’accusé n’obtempère pas à la sommation, le président peut ordonner qu’il soit amené par la force devant la chambre criminelle »., la commission d’office de trois avocats pour assurer sa défense27xMe Mbaye Sène, Me Mounir Balal, Me Abdoul Gning, tous avocats au barreau de Dakar. face à l’absence de ses avocats initiaux28xRappeler qu’à la suite de la commission d’office de ces trois avocats pour défendre l’accusé, le 21 juillet 2015, il a leur accordé un délai de quarante-cinq (45) jours pour préparer leur défense, et l’audience reprise le 7 septembre 2015., la lecture de la liste des témoins, et des victimes, et la lecture de l’ordonnance de mise en accusation et de renvoi, jusqu’au prononcé de la sentence.
      La Chambre africaine extraordinaire d’assises fut ainsi amenée à se conformer à la procédure réputée très formaliste de tenue d’une audience criminelle selon les dispositions des articles 238 et suivants du CPP sénégalais. Il en est de même de l’interrogatoire de l’inculpé, qui a gardé le silence durant tout le procès, et de l’audition des parties civiles ou victimes et des témoins et experts.
      Toutes les parties, le parquet général, les avocats de la défense, et les avocats des victimes ont participé activement aux auditions selon l’ordre établi par le CPP sénégalais: parties civiles d’abord, ministère public ensuite et défense enfin, dans le strict respect des droits de chacun. Toute requête d’une partie est communiquée aux autres pour observations.
      Lors de la clôture des débats, le CPP sénégalais contient des dispositions sur les formalités à suivre. En effet, aux termes de l’article 291, « après l’interrogatoire de l’accusé, l’audition de la partie civile et des témoins, le réquisitoire du ministère public et les plaidoiries des conseils, le président déclare les débats terminés[…]la décision de la Chambre criminelle est rendue soit à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats, soit à une date ultérieure de la même session. Dans ce dernier cas, le président informe les parties du jour où le jugement sera prononcé ». Si le Statut des CAE dispose que l’audience est régie par le CPP sénégalais, celui-ci, à travers les textes précités, ne prévoit aucune autre formalité comme le dépôt de mémoires définitifs des parties. Le principe de l’oralité des débats semble l’emporter alors qu’en pratique au niveau de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, à la clôture des débats, les parties dont le ministère public ont été invitées à déposer leur mémoire. Ce procédé a eu l’avantage, compte tenu des nombreux points de droit et de fait soulevés au cours de l’audience qui s’est étalée sur des semaines, de faire la synthèse du réquisitoire oral qu’il va présenter. Ceci ne l’oblige pas malgré tout, à mentionner tous les points tels que la peine qu’il entend requérir, le réquisitoire définitif oral marqué par le principe de la liberté, devant être l’acte final qu’il devra prendre. Autrement dit, on ne pourra lui opposer le fait qu’il a souligné oralement un point non mentionné dans son mémoire. Ce dernier a certainement le seul avantage de permettre aux autres parties et à la Chambre de suivre aisément l’avis du parquet sur les différents points.
      Hormis ces points, d’autres formalités comme, la citation des témoins et victimes, ont été accomplies en vertu du CPP et de l’entraide judiciaire entre le Sénégal et le Tchad.
      Pour l’audition des parties, le CPP sénégalais fait une différence entre l’audition d’un témoin et celle d’une partie civile. Si les témoins doivent se retirer dans la salle qui leur est destinée avant de venir déposer, comme le dispose l’édicte 270, il n’est pas de même pour les parties civiles. Mais au niveau des Chambres africaines les témoins étant confondus avec les victimes proprement dites, celles-ci, au même titre que les témoins stricto sensu ont été invitées à se retirer dans la salle qui leur est destinée avant de venir déposer. Mais l’article 279 du CPP indique que « chaque témoin, après sa déposition, demeure dans la salle d’audience, si le président n’en ordonne autrement, jusqu’à la clôture des débats », tous les témoins après leur déposition ont été autorisés à se retirer. Rappelons à ce niveau que les témoins viennent tous de l’étranger, notamment du Tchad.
      Tous les moyens de preuves ont été contradictoirement discutés. Aux termes de l’article 414 du CPP du Sénégal, « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui ont été apportées au cours des débats et discutées devant lui ». « Intime conviction » ou « au-delà de tout doute raisonnable », la Chambre d’assises « interprétera ces deux notions comme exigeant un niveau de preuve équivalent. Se fondant sur la jurisprudence internationale, la chambre a donc déterminé, pour chaque cas, s’il existe des preuves suffisantes pour établir l’existence de chaque élément constitutif des crimes et des modes de responsabilité retenus à l’encontre de l’Accusé »29xJugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public Hissein Habré, 30 mai 2016, page 47, paragraphes 183 à 184; http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf..
      D’autres questions sont expressément renvoyées à la loi sénégalaise. Il en est ainsi de la fixation de l’amende comme peine complémentaire (article 24, 2.a) du Statut, la détention provisoire avec notamment un mandat décerné par la Chambre d’instruction pour une durée illimitée s’agissant de faits criminels (article 26,1) du Statut des CAE, articles 127 et suivants du CPP sénégalais), le lieu de détention qui est naturellement le Sénégal siège des CAE ou tout autre pays africain qui signe un accord avec le Sénégal (article 26, 2) du Statut. En outre, les autorités nationales compétentes font exécuter les peines d’amende et les mesures de confiscation ordonnées par les CAE, conformément à la législation du lieu de localisation des biens et avoirs (article 26, 5 du Statut), donc selon le droit sénégalais pour ceux des biens et avoirs se trouvant au Sénégal.
      Le renvoi ainsi opéré à la loi sénégalaise, est doublé par celui fait au profit des juridictions nationales. Les CAE, étant dissoutes de plein droit après les dernières décisions définitives, l’article 26 (4) du Statut prévoit, ce qu’on pourrait considérer comme un mécanisme résiduel, que: « les juridictions nationales sont en charge de toutes procédures, relatives notamment à la détention, qui pourraient subvenir postérieurement à la dissolution des Chambres africaines extraordinaires ». Dans le même sillage, l’article 37 (3) dispose que « les juridictions nationales sont en charge de toutes les questions qui pourraient survenir postérieurement à la dissolution des Chambres africaines extraordinaires »30x« Désigne le Tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour connaitre de toutes les questions qui pourraient survenir postérieurement à la dissolution des CAE » Arrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 226. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf. . Ce renvoi aux juridictions nationales doit être interprété au regard des décisions définitives rendues par les CAE qui ne peuvent plus être attaquées devant quelque juridiction que ce soit. Cette compétence résiduelle des juridictions nationales ne peut, à notre sens, ni avoir pour objet remettre en cause les décisions rendues par les CAE ou l’ouverture d’un autre procès.
      Cette interaction entre les CAE et le droit national sénégalais ne saurait se limiter à l’application de ce dernier par les premières. Il faut l’appréhender au-delà, pour voir l’impact souhaité du passage des CAE dans le système juridique national sénégalais.

    • 3 L’impact espéré des CAE sur le droit national sénégalais

      On relève que depuis l’implication de l’Union africaine dans l’affaire Hissein Habré, en juillet 2006 et la décision rendue en mai 2006 par le Comité des Nations Unies contre la torture qui disait que le Sénégal violait la Convention contre la torture à laquelle il est partie en n’extradant pas Hissein Habré ou ne soumettant pas l’affaire Habré à la juridiction compétente (aut dedere aut judicare), le législateur sénégalais a œuvré de façon particulièrement dynamique en adoptant plusieurs réformes: la modification en 2007 du Code pénal par l’introduction du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire (431-1 à 431-6) par la loi 2007-02 du 12 février 2007, la compétence universelle des juridictions sénégalaises sur ces crimes (sous conditions de trois critères alternatifs de rattachement au Sénégal: arrestation ou résidence du mis en cause, résidence de la victime ou extradition de la personne poursuivie) avec la modification de l’article 669 du Code de procédure pénale par la loi n° 2007-05 du 12 février 200731x« Tout étranger qui, hors du territoire de la république s’est vu reproché d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visés aux articles 431-1 à 431-5 du code pénal[…]peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, s’il est arrêté au Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition »., et enfin la modification, le 8 avril 2008, de l’article 9 de la Constitution pour poser, si besoin en était, une exception au principe de non rétroactivité de la loi pénale32x«Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’opposent pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre ».. La création des CAE au sein du système judiciaire sénégalais fut l’aboutissement de ce processus. Toutefois, les CAE, à la fin de leur mission, devraient servir d’exemple, de « sève nourricière » pour revoir, notamment, le CPP en particulier, le droit sénégalais en général dans le sens de son amélioration, surtout avec la compétence universelle désormais en vigueur. Ainsi certaines questions peuvent interpeler.

      3.1 Le déclenchement de l’action publique: l’affirmation claire du pouvoir exclusif du ministère public

      Ayant introduit la compétence universelle de ses juridictions sur les crimes internationaux à travers l’article 669 du CPP, le législateur sénégalais s’est borné à indiquer aux termes de l’article 671:« dans tous les cas prévus au présent titre, la poursuite est intentée à la requête du ministère public du lieu où réside le prévenu ou de sa dernière résidence connue ou du lieu où il s’est trouvé ». L’absence d’affirmation catégorique du pouvoir exclusif du parquet pour le déclenchement des poursuites pourrait prêter à confusion. On pourrait ainsi penser à la possibilité de la constitution de partie civile prévue aux articles 76 et suivants du CPP. Par ce biais, la partie civile pourrait, de sa propre initiative saisir directement le juge d’instruction d’une plainte pour l’ouverture d’une information. La simple communication de la plainte au ministère public pour ses réquisitions, ne constitue aucunement un obstacle dirimant pour l’ouverture de l’information. Ainsi, à notre sens, il n’existe aucune disposition claire équivalente à celle de l’article 17 du Statut des CAE qui consacre le pouvoir exclusif du ministère public pour déclencher les poursuites, comme c’est généralement le cas devant les juridictions pénales internationales.
      Le déclenchement de l’action publique pour les cas de crimes internationaux doit être encadré pour des soucis liés uniquement à l’efficacité des poursuites. En effet, le pouvoir d’ouvrir des enquêtes a toujours été laissé au procureur. Comme pour le Statut de Rome de la CPI, il suffit d’examiner si les renseignements obtenus fournissent une « base raisonnable ou suffisante » qu’un crime a été commis ou est en voie de l’être. Ce pouvoir, qui n’exclut pas le rôle actif des victimes sous forme de plainte et de dénonciation, a l’avantage d’éviter des plaintes avec constitution de partie civile intempestives ou légères, voire abusives. Dans ce sens, l’évolution de la loi belge du 16 juin 1993 sur la compétence universelle qui a été modifiée le 5 août 2003 pour aboutir, entre autre points, au pouvoir exclusif du procureur fédéral pour déclencher l’action publique ou subordonner la plainte avec constitution de partie civile à son accord33xArticles 10 et suivants, du Code d’instruction criminelle belge. http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?DETAIL=1878041701%2FF&caller=list&row_id=1&numero=1&rech=9&cn=1878041701&table_name=LOI&nm=1878041750&la=F&dt=CODE+D%27INSTRUCTION+CRIMINELLE&language=fr&fr=f&choix1=ET&choix2=ET&fromtab=loi_all&trier=promulgation&chercher=t&sql=dt+contains++%27CODE%27%26+%27D%27%26+%27INSTRUCTION%27%26+%27CRIMINELLE%27and+actif+%3D+%27Y%27&tri=dd+AS+RANK+&imgcn.x=52&imgcn.y=9., est pleine d’enseignements.
      On pourrait ainsi procéder à une nouvelle rédaction de l’article 671 en ces termes: « dans tous les cas prévus au présent titre, la poursuite ne peut être intentée qu’à la seule requête du procureur de la République du lieu où réside le mis en cause ou de sa dernière résidence connue ou du lieu où il s’est trouvé ».
      Outre cette question, la durée d’instruction des affaires criminelles en général devrait faire l’objet de réflexions.

      3.2 Le délai d’instruction d’une affaire criminelle

      Saisi d’un réquisitoire introductif, le juge d’instruction est maitre de son dossier. Cette souveraineté va des actes à accomplir, qu’il estime utiles à la bonne manifestation de la vérité, au moment où il clôture son instruction. En effet, l’article 70 du CPP sénégalais se limite à énoncer que « l’instruction préparatoire est obligatoire en matière criminelle » et l’article 169 de poursuivre, « aussitôt que l’information lui apparaît terminée, le juge d’instruction communique le dossier aux conseils de l’inculpé et de la partie civile […] Après l’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent, le juge d’instruction communique le dossier de la procédure au procureur de la République… ». Il résulte de ceci que pour la conduite de son instruction, le juge n’est limité à aucun délai à l’image de la durée du mandat de dépôt décerné en matière criminelle. La grande préoccupation a toujours été, ces dernières années, la limitation du mandat de dépôt décerné en matière correctionnelle34xArticle 127 bis (loi n° 99-06 du 29 janvier 1999) En matière correctionnelle, à l’exception des cas où elle est obligatoire aussi que tous les infractions prévues aux articles 56 à 100 du Code pénal si la détention provisoire est ordonnée, le mandat de dépôt délivré n’est valable que pour une durée maximum de six mois non renouvelable. ».
      Le juge d’instruction mène ainsi son instruction sans être encadré par un délai, sauf à se conformer au principe qui veut que la justice soit rendue dans un délai raisonnable, avec, comme le prévoit l’article 211 alinéa 1 du CPP, les pouvoirs propres de contrôle du président de la Chambre d’accusation qui « s’emploie à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié ». Cette liberté de temps accordée au juge de mener son instruction est certainement liée, entre aux autres motifs, au caractère permanent de la juridiction dont il relève.
      Pour les CAE, compte tenu de leur mandat limité dans le temps, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction a vu son mandat limité dans le temps, non pas par le Statut des CAE même s’il fait expressément référence aux missions limitées dans le temps des CAE, mais par l’acte de nomination des membres des CAE qui détermine la durée de leur mandat.
      Saisie le 2 juillet 2013 par le réquisitoire du Procureur général près les CAE, La Chambre africaine extraordinaire d’instruction a vu son mandat prolongé de huit mois le 31 mai 2014. Elle clôtura son information le 31 décembre 2014 et l’ordonnance de renvoi de l’accusé sera rendue le 13 février 2015, soit un peu moins de deux (2) ans après sa saisine. Cette durée relativement acceptable pour un dossier portant sur des faits de crimes internationaux devrait permettre, au Sénégal, de se pencher sur la nécessité de limiter le temps d’instruction des affaires criminelles, notamment sur des fait de crimes internationaux ou de violations massives des droits humains, a fortiori pour les crimes de droit commun. Une telle décision qui relèverait de la loi pourrait permettre de lutter contre l’engorgement des cabinets d’instruction et les longues détentions que la simple limitation de la durée du mandat de dépôt ne pourrait annihiler efficacement. Il faut toutefois admettre, le temps considéré assez long pris dans le traitement d’affaires devant les tribunaux pénaux internationaux comme le TPIY et le TPIR35xLa durée déraisonnable des procédures: les « stratégies d’achèvement » des deux tribunaux prévoyait leur fermeture en 2010 (délai qui n’a pas été respecté), soit presque vingt ans après l’éclatement de la guerre en ex-Yougoslavie, quinze ans après le massacre de Srebrenica et la paix de Dayton et seize ans après le génocide rwandais… » Olivier De Frouville, Droit international pénal, Sources, incriminations, responsabilité, Éditions A. Pedone, 2012, page19. Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY ou TPY) est une juridiction instituée le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies afin de poursuivre et de juger les personnes s’étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à compter du 1er janvier 1991, c’est-à-dire durant les guerres de Yougoslavie (guerre de Croatie, guerre de Bosnie-Herzégovine et guerre du Kosovo), conformément aux dispositions de ses statuts. Son siège est situé à La Haye (Pays-Bas). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est une ancienne juridiction pénale internationale mise en place le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations Unies afin de juger les personnes responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ou par des citoyens rwandais sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Son siège était situé à Arusha en Tanzanie.. Le temps de la justice est tributaire d’éléments impondérables qui n’excluent toutefois pas l’exigence de traitement des affaires dans des délais raisonnables par la fixation d’une durée limite.
      Bien d’autres points de procédure positifs devraient aussi inspirer.

      3.3 Les autres questions suscitées par le passage des CAE

      Ces points devraient, à la lumière du passage des CAE dans le système judiciaire sénégalais, connaître des aménagements.

      3.3.1 Le droit de grâce

      Le droit de gracier totalement ou partiellement une personne définitivement condamnée par les tribunaux est un pouvoir régalien et constitutionnel du président de la République. Aux termes de l’article 47 de la Constitution du Sénégal, « le Président de la République a le droit de faire grâce ». Ce pouvoir n’a aucune limite si ce n’est d’ordre procédural, le caractère définitif de la décision.
      Cependant, dans le Statut des CAE, l’article 26 (3) dispose que « les conditions de détention, que ce soit au Sénégal ou dans un autre État membre de l’Union africaine, sont régies par la loi de l’État d’exécution et conformes aux standards internationaux. L’État d’exécution est lié par la durée de la peine ». La Chambre africaine d’assises d’appel rendant la dernière décision rappellera que l’État d’exécution de la peine est lié par la peine d’emprisonnement à perpétuité prononcée36xSituation en République du Tchad, Procureur général Hissein Habré, arrêt du 27 avril 2017, page 131, paragraphe 568. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf..
      La grâce présidentielle devrait connaitre une exception par rapport aux crimes internationaux, crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, la torture et autres violations graves du droit international humanitaire.

      3.3.2 Les types de réparation

      La réparation du préjudice subi reste un élément essentiel du procès pénal car « la fonction restitutive de la peine exprimée en termes de réparation aux victimes prend une importance particulière dans le contexte des instances pénales internationales. C’est par elle que s’exprime la volonté de la communauté internationale de remettre les victimes dans la situation dans laquelle elles étaient avant que le crime n’ait été commis. On tente alors d’effacer le mal de manière à ce que la réconciliation sociale puisse avoir lieu. En outre, les victimes elles-mêmes n’ont pas seulement un intérêt dans la répression du crime mais ont également un intérêt à voir les dommages éliminés »37xAnne-Marie La Rosa, Juridictions pénales internationales, la procédure et la preuve, PUF, 2003, page 206..
      Comme il est relevé plus haut, les personnes pouvant prétendre aux réparations devant les tribunaux sénégalais, sont les partie civiles, c’est-à-dire celles qui ont porté plainte et ont demandé réparation, à l’exclusion des personnes qui ont certainement souffert des faits de la cause mais qui n’ont pas formellement saisi la justice pour obtenir réparation. Or, au niveau des CAE, l’article 28 qui prévoit la création d’un fonds au profit des victimes indiquera que « les réparations peuvent être attribuées aux victimes individuellement ou collectivement, qu’elles aient ou non participé aux procédures devant les Chambres africaines extraordinaires ». Une solution appropriée aux crimes de masse, d’où la nécessité pour le droit sénégalais de s’intéresser aux concepts de partie civile et de victime afin de les déterminer clairement.
      L’organisation des victimes en groupe a été une donnée importante au niveau des CAE. L’article 14 (2) du Statut dispose que « les victimes peuvent former des groupes et décider d’être représentées par un représentent choisi en commun ». Les réparations pécuniaires allouées ont été réparties entre les différentes associations38xArrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 223 à 224, paragraphe 938. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf., à charge pour elles avec le Fonds au profit des victimes de procéder à la répartition individuelle conformément à la décision rendue. Le droit sénégalais de la réparation en matière pénale, tel qu’il ressort des articles 2 et suivants du CPP, se limite à la victime prise individuellement alors qu’en matière de crimes de masse, il est parfois utile que les victimes se regroupent pour des soucis d’efficacité de leur participation au procès.
      Par ailleurs, l’ampleur des faits et le nombre de victimes rejaillissent sur la réparation appropriée. Selon l’article 27 (1) du Statut des CAE, « les réparations accordées par les Chambres africaines extraordinaires sont la restitution, l’indemnisation et la réhabilitation ». Dans ce sens, selon l’article 3 du CPP sénégalais, l’action civile pour la réparation de dommages « est recevable pour tous chefs de dommages aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objets de la poursuite ». Si les réparations d’ordre moral sont effectivement prévues par le droit sénégalais, leur mise en œuvre se limite à l’allocation de dommages et intérêts qui recoupent, en finalité, la réparation des dommages d’ordre matériel par l’allocation de ressources financières pour assurer une prise en charge psychologique. Des mesures collectives, comme l’érection de monument, de musée ou de centre d’assistance psychologique, généralement admises au niveau des tribunaux pénaux internationaux notamment la Cour pénale internationale39xPar le biais de son Fonds au profit des victimes, voir la Règle 98 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI. https://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/legal-texts/RulesProcedureEvidenceFra.pdf., ne sont pas expressément prévues par le droit sénégalais. Pourtant, la compétence universelle des juridictions sénégalaises devrait permettre d’adopter des textes relatifs à de telles mesures.
      Aussi, comparativement au Fonds pour les victimes prévu par l’article 28 Statut des CAE, la création de toutes structures ad hoc au plan national pour assurer une réparation correcte des victimes des crimes internationaux ne serait pas superflue. La réparation, pour de tels faits, ne devrait pas être laissée à la seule diligence des victimes.

      3.3.3 Le lieu d’exécution de la peine

      Dans l’exercice de la compétence universelle, les tribunaux sénégalais pourraient être amenés à prononcer des peines qui devront être exécutées au Sénégal conformément aux textes nationaux en vigueur en la matière. Toutefois, en dépit du fait que les CAE ont été créées au sein des juridictions sénégalaises, relativement à l’exécution de la peine, l’article 26 (2) du statut dispose que le « condamné peut purger sa peine d’emprisonnement dans l’un des États membres de l’Union africaine qui a conclu un accord d’exécution des peines avec le Sénégal ». Ce texte devrait inspirer la législation nationale à prévoir de tels accords relativement aux faits jugés au Sénégal sur la base de la compétence universelle, surtout qu’elle sera exercée à l’égard de personnes étrangères pour des faits qui ne sont pas commis au Sénégal.

      3.3.4 Enregistrement des audiences

      Si l’enregistrement et la diffusion du procès Habré a été un point essentiel au niveau des CAE40xArticle 36 Statut des CAE: « Les audiences devant les Chambres africaines extraordinaires, sous l’autorité du Procureur général, sont filmées et enregistrées afin d’être diffusées sauf si cela contrevient aux mesures nécessaires à la protection des témoins et autres participants »., nécessitant un dispositif audio-visuel permanent, compte tenu certainement de sa portée historique, aucune disposition du CPP sénégalais ne porte sur l’enregistrement audiovisuel du procès pour sa diffusion. Au contraire, on pourrait même avancer que le secret de l’enquête se prolonge dans la salle d’audience hormis la simple publicité des débats. À ce propos, l’article 253 du CPP indique que « les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit pas dangereuse pour l’ordre public et les mœurs. Dans ce cas, la chambre criminelle le déclare par un jugement rendu en audience publique et ordonne le huis clos ».
      À aucun moment le législateur sénégalais ne fait mention dans le CPP de l’enregistrement des audiences d’affaires ayant une portée historique. Pourtant la portée historique de ces procès relatifs aux crimes internationaux, ou tout simplement à une affaire nationale devrait permettre la réforme du CPP sénégalais sur ce point. Ce n’est pas dans la pratique judiciaire nationale de voir l’enregistrement d’une audience en vue de sa diffusion. La preuve, en avril 2014, devant l’imminence du procès Habré en audience publique filmée et enregistrée pour diffusion, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) émettait un avis pour s’opposer à tout projet de retransmission audiovisuelle du procès pour, dit-il, sauvegarder des principes tels que la préservation de la présomption d’innocence, le droit à l’image, ou encore la dignité de toutes les parties au procès41x« Le CNRA s’élève contre le projet de retransmission audiovisuelle du procès Hissein HABRE: la justice ne s’accommode pas de spectacle ». http://www.cnra.sn/do/le-cnra-seleve-contre-le-projet-de-retransmission-audiovisuelle-du-proces-hissein-habre/2/.. Un avis non suivi par les CAE compte tenu de l’Accord portant création des CAE et leur Statut, de nature internationale, qui priment sur toute autre disposition nationale. Une avancée dans la prise en compte de la portée historique de certaines affaires, comme il est d’usage au niveau des tribunaux pénaux internationaux42xRèglement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et de la Cour pénale internationale., qui devrait permettre au Sénégal de franchir un pas décisif dans ce domaine.

      3.3.5 Le recours à la vidéoconférence

      La Chambre africaine extraordinaire d’assises a dû, pour des raisons pratiques liées à l’éloignement de témoins domiciliés en territoire étranger, au Tchad en l’occurrence, aux difficultés d’assurer leur comparution à Dakar et aux avancées technologiques, procéder à l’audition de certains témoins par vidéoconférence. Ce procédé « permet d’obtenir le témoignage de personne qui refusent ou sont dans l’incapacité de venir au siège du tribunal. Par voie d’un écran, le témoin est en liaison vidéo avec le tribunal; parties, juges et témoin sont alors en mesure de se voir et de s’entendre et la déposition du témoin peut être recueillie »43xAnne-Marie La Rosa, Juridictions pénales internationales, la procédure et la preuve, PUF, 2003, page 282. Il a été assimilé à une déposition directe faite devant les CAE. A ce propos, le CPP est muet sur la possibilité d’entendre des témoins ou des victimes par vidéoconférence. La déposition directe de témoin devant le tribunal devient parfois de plus en plus difficile, surtout pour des personnes domiciliées en territoire étranger, parfois très éloigné.

      3.3.6 La problématique de l’immunité dans la compétence universelle

      En adoptant la compétence universelle depuis 2007, le législateur sénégalais n’a pas abordé la problématique de l’immunité. Généralement, au niveau des tribunaux pénaux internationaux, la règle du défaut de pertinence de la qualité officielle est posée comme elle le fût au niveau du Statut des CAE en son article 10. Par contre, l’immunité est plus vivace devant les juridictions nationales. En effet, il est établi en droit international que les agents diplomatiques et consulaires et certaines personnes occupant un rang élevé dans l’État, telles que le chef de l’État, le chef du gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères, jouissent dans les autres États d’immunités de juridiction, tant civile que pénale. Mais cette immunité de juridiction ne joue plus si l’État qu’ils représentent ou ont représenté décide de la lever car, comme l’a souligné la Cour internationale de justice, « l’immunité de juridiction pénale et la responsabilité pénale individuelle sont des concepts nettement distincts. Alors que l’immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L’immunité de juridiction peut certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou à l’égard de certaines infractions; elle ne saurait exonérer la personne qui en bénéficie de toute responsabilité pénale»44xCour internationale de justice, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c. Belgique, page 26, paragraphe 60.. Dans ce sens, par exemple, le Code d’instruction criminelle belge comporte des dispositions sur la place de l’immunité dans l’exercice de la compétence universelle.45x« Art. 1bis. <inséré par L 2003-08-05/32, art. 13; En vigueur: 07-08-2003>
      § 1er. Conformément au droit international, les poursuites sont exclues à l’égard:
      - des chefs d’Etat, chefs de gouvernement et ministres des Affaires étrangères étrangers, pendant la période où ils exercent leur fonction, ainsi que des autres personnes dont l’immunité est reconnue par le droit international;
      - des personnes qui disposent d’une immunité, totale ou partielle, fondée sur un traité qui lie la Belgique.

      § 2. Conformément au droit international, nul acte de contrainte relatif à l’exercice de l’action publique ne peut être posé pendant la durée de leur séjour, à l’encontre de toute personne ayant été officiellement invitée à séjourner sur le territoire du Royaume par les autorités belges ou par une organisation internationale établie en Belgique et avec laquelle la Belgique a conclu un accord de siège. ». http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?DETAIL=1878041701%2FF&caller=list&row_id=1&numero=1&rech=9&cn=1878041701&table_name=LOI&nm=1878041750&la=F&dt=CODE+D%27INSTRUCTION+CRIMINELLE&language=fr&fr=f&choix1=ET&choix2=ET&fromtab=loi_all&trier=promulgation&chercher=t&sql=dt+contains++%27CODE%27%26+%27D%27%26+%27INSTRUCTION%27%26+%27CRIMINELLE%27and+actif+%3D+%27Y%27&tri=dd+AS+RANK+&imgcn.x=52&imgcn.y=9.

      3.3.7 Procès en appel

      Relativement à l’appel, le Statut des CAE supplante le CPP sénégalais, en fixant limitativement les moyens d’appel, comme il est généralement admis devant les juridictions pénales internationales. Aux termes de son article 25, l’appel ne peut porter que sur «les motifs suivants:

      • une erreur de procédure,

      • une erreur sur une question de droit matériel qui invalide la décision; y compris une erreur sur la compétence,

      • une erreur de fait qui a entrainé un déni de justice ».

      Si en droit sénégalais, l’appel contre les décisions des chambres criminelles entraine l’ouverture d’un nouveau procès portant tant sur les éléments de fait que de droit, l’appel devant les CAE n’a porté que sur les motifs sus-rappelés, essentiellement de droit. Ce pas pourrait-il être franchi un jour au plan national, avec le principe sacro-saint du double degré de juridiction? La réponse est peu aisée, et doit résider dans deux paramètres majeurs: le respect du double degré de juridiction et rendre la justice dans un délai raisonnable. De par le monde, des juridictions nationales ont connu de crimes internationaux sur la base de la compétence universelle comme en France46xAffaire Pascal Simbigangwa. http://www.rfi.fr/afrique/20161024-france-justice-rwanda-genocide-proces-appel-pascal-simbikangwa-assises-bobigny-geno., avec une possibilité d’appel généralement basé sur l’ouverture d’un nouveau procès conformément à leur législation en vigueur. La démarche internationale sur la procédure de l’appel semble isolée même si, sur le plan national, rien ne s’oppose qu’elle s’étende pour ce qui concerne les crimes internationaux. Au Sénégal, on pourrait ainsi admettre le seul pourvoi devant la Cour suprême pour des cas d’ouverture sus rappelés.

    • 4 Conclusion

      Les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises ont disparu! Elles rejoignent le cercle restreint des instances pénales internationales ad hoc ou internationalisées créées pour prendre opportunément en charge les auteurs de violations massives des droits humains. L’avènement des CAE pour connaitre de crimes internationaux commis au Tchad, territoire étranger, renseigne beaucoup sur la capacité des États à abriter de telles juridictions. Leur passage, suivi de leur dissolution automatique ou de plein droit après leur mission, ne devrait en aucun cas occulter l’impact normatif mutuel entre elles et le droit national sénégalais.
      Ainsi, dans leur office, les CAE se sont trouvées écartelées entre deux impératifs majeurs: sauvegarder ou affirmer leur caractère international en se conformant aux standards internationaux, mais aussi assurer une bonne tenue du procès en réglant les différentes questions de procédures qui se dressaient sur leur chemin. Elles ont été appelées à valser entre les différentes normes. Le droit pénal international porté par leur Statut et le droit sénégalais contenu dans les textes nationaux en vigueur que sont notamment le Code pénal, le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile. Les deux ordres se sont imbriqués, croisés, exclus pour former une véritable osmose.
      L’interaction des deux normes renseigne sur une modalité pratique de création d’une juridiction internationalisée. Des actes de poursuites, jusqu’à l’exécution des peines, en passant par la phase d’instruction et de jugement, le recours au droit sénégalais était devenu en réalité incontournable. Les CAE dans le système judiciaire sénégalais devraient ainsi permettre au droit sénégalais de s’adapter, et de s’améliorer, surtout avec la compétence universelle sur les crimes internationaux, introduite depuis 2007. En effet, dans tous les cas, « le temps est sans aucun doute venu d’intégrer la dimension internationale dans notre manière de rendre la justice, de comprendre que l’exercice de la fonction juridictionnelle ne se conçoit plus seulement, par les temps qui courent, dans une perspective exclusivement nationale, de ménager en conséquence une place à la norme internationale… »47xAlioune Fall, L’affaire Hissène Habré, aspects judiciaires nationaux et internationaux, page 35, L’Harmattan, 2013.. La procédure pénale sénégalaise, telle que conçue de lege lata pour des infractions de droit commun, peut montrer des limites quand il s’agira de connaitre de faits constitutifs de crimes internationaux ou de violations massives des droits humains. Loin, doit être l’idée de faire passer les CAE, pour reprendre les comptables, par « pertes et profits ». Au contraire, elles doivent être un levier essentiel pour un saut qualitatif de la justice sénégalaise en particulier, africaine et mondiale en général.

      Dakar, le 22 février 2018

    Noten

    • 1 Voir la Résolution Doc/Assembly/AU/A3/VID adoptée le 2 juillet 2006 à Banjul et la Résolution Doc/Assembly/AU/DEC/40/ (XVIII) adoptée le 31 janvier 2012 à Addis-Abeba par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine.

    • 2 Arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, 18 novembre 2010, Affaire Hissein Habré cl République du Sénégal, paragraphe 61.

    • 3 Arrêt Cour internationale de Justice, du 20 juillet 2012, question concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), paragraphe 122.

    • 4 À l’opposé par exemple du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) créés par des résolutions des Nations Unies.

    • 5 « Cette nouvelle génération de juridictions pénales cherche à éviter les inconvénients propres au jugements par les juridictions nationales (conflit avec le droit international classique, risque de politisation, obstacles procéduraux et politiques…) tout en explorant une voie alternative à celle des juridictions pénales internationales, jugées parfois trop lointaines par rapport aux situations nationales, et surtout trop coûteuses » Olivier De Frouville, Droit international pénal, Sources, incriminations, responsabilité, Éditions A. Pedone, 2012, page 25 à 26.

    • 6 Le Nouveau Littré, Edition augmentée du Petit Littré, page 727.

    • 7 Cour de Justice de la CEDEAO, Affaire Hissein Habré c. République du Sénégal, 5 novembre 2013; Arrêt n° 6 du 23/01/2015, de la Cour suprême du Sénégal; Décision dans l’Affaire n° 1-C-2015 du 02 mars 2015 du Conseil constitutionnel du Sénégal.

    • 8 Le Règlement de procédure et de preuve de tribunaux pénaux internationaux comme la CPI, le TPIY et le TPIR, et de tribunaux mixtes comme le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), les Chambres spéciales pour crimes graves du Timor-Leste et les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC).

    • 9 Les tribunaux pénaux internationaux ad hoc comme le Tribunal militaire international de Nuremberg, leTribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou permanents comme la Cour pénale internationale. Les tribunaux internationalisés ou mixtes comme les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens.

    • 10 « La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit », article 38 du Statut de la Cour internationale de justice » http://www.un.org/fr/documents/icjstatute/pdf/icjstatute.pdf. « La coutume occupe une place centrale parmi les différents éléments de formation du droit international. Ce sont d’abord les normes coutumières qui en régissent de nombreux et importants domaines, surtout sous leur aspect général. Le droit coutumier est ensuite omniprésent au sein des autres éléments, dont il définit en large part le régime juridique ». Jean Combacau, Serge Sur, Droit international public, 9ème édition, page 54.

    • 11 Au Sénégal, depuis 1999, la médiation pénale est instituée par la loi n°99-88 du 3 septembre 1999 modifiant les dispositions de l’article 32 du Code de procédure pénale sénégalais. Cette institution alternative de règlement des conflits au niveau de la justice est surtout appropriée pour les affaires mineures, ce qui exclut bien entendu les crimes internationaux.

    • 12 Voir les articles 53 à 55 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

    • 13 « 1. Le Procureur ouvre une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l’Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et se prononce sur l’opportunité ou non d’engager les poursuites. » Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

    • 14 http://www.chambresafricaines.org/index.php/presentation-des-chambres/parquet-general/487-la-visite-du-procureur-general-des-cha.

    • 15 Ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises, rendue le 13 février 2015. http://www.chambresafricaines.org/pdf/OrdonnanceRenvoi_CAE_13022015.pdf

    • 16 http://www.unesco.org/education/pdf/CHART_F.PDF.

    • 17 Articles 130 et suivants de l’Ordonnance n° 13-PR-MJ du 9 juin 1967, telle que modifiée portant Code de procédure pénale du Tchad.

    • 18 Exemple: Article 23 de la Convention de coopération en matière judiciaire entre le Gouvernement de la république française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 29 mars 1974.

    • 19 Voir l’Ordonnance n°12-67-PR-MJ, telle que modifiée, portant promulgation du Code pénal du Tchad.

    • 20 Chambre africaine extraordinaire d’accusation, arrêt du 29 avril 2014. http://www.enqueteplus.com/content/incident-aux-chambres-africaines-extraordinaires-hier-hissein-habr%C3%A9-arrive-en-turban-mback%C3%A9.

    • 21 Arrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 133, paragraphes 576 et 577. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf.

    • 22 «Le 16 septembre 2015, la chambre était amenée à juger Mahamat Togoi Ali, ressortissant tchadien, pour troubles à l’audience en vertu de l’article 278 du CPP… » Jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public c. Hissein Habré, 30 mai 2016, page 29, paragraphe 113. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf.

    • 23 «Le Statut ne contenant pas de dispositions relatives à une nullité de l’ordonnance de renvoi, il convient, dès lors, d’appliquer les dispositions du Code de procédure pénale sénégalais aux fins de statuer sur la Requête aux fins de nullité de l’ordonnance de renvoi. L’article 164 du Code de procédure pénale énonce… ». Jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public c. Hissein Habré, 30 mai 2016, page 35, paragraphe 136 à 137. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf.

    • 24 L’accusé Hissein Habré avait des conseils qu’il s’était librement choisi. Mais lors de sa comparution devant la Chambre africaines d’assises, trois conseils ont été commis d’office pour l’assister face au boycott de ses premiers avocats.

    • 25 20 juillet 2015.

    • 26 Article 265 du CPP: « Si l’accusé n’obtempère pas à la sommation, le président peut ordonner qu’il soit amené par la force devant la chambre criminelle ».

    • 27 Me Mbaye Sène, Me Mounir Balal, Me Abdoul Gning, tous avocats au barreau de Dakar.

    • 28 Rappeler qu’à la suite de la commission d’office de ces trois avocats pour défendre l’accusé, le 21 juillet 2015, il a leur accordé un délai de quarante-cinq (45) jours pour préparer leur défense, et l’audience reprise le 7 septembre 2015.

    • 29 Jugement de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, Ministère public Hissein Habré, 30 mai 2016, page 47, paragraphes 183 à 184; http://www.chambresafricaines.org/pdf/Jugement_complet.pdf.

    • 30 « Désigne le Tribunal de grande instance hors classe de Dakar pour connaitre de toutes les questions qui pourraient survenir postérieurement à la dissolution des CAE » Arrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 226. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf.

    • 31 « Tout étranger qui, hors du territoire de la république s’est vu reproché d’être l’auteur ou le complice d’un des crimes visés aux articles 431-1 à 431-5 du code pénal[…]peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois sénégalaises ou applicables au Sénégal, s’il est arrêté au Sénégal ou si une victime réside sur le territoire de la République du Sénégal, ou si le gouvernement obtient son extradition ».

    • 32 «Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’opposent pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels d’après les règles du droit international relatives aux faits de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre ».

    • 33 Articles 10 et suivants, du Code d’instruction criminelle belge. http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?DETAIL=1878041701%2FF&caller=list&row_id=1&numero=1&rech=9&cn=1878041701&table_name=LOI&nm=1878041750&la=F&dt=CODE+D%27INSTRUCTION+CRIMINELLE&language=fr&fr=f&choix1=ET&choix2=ET&fromtab=loi_all&trier=promulgation&chercher=t&sql=dt+contains++%27CODE%27%26+%27D%27%26+%27INSTRUCTION%27%26+%27CRIMINELLE%27and+actif+%3D+%27Y%27&tri=dd+AS+RANK+&imgcn.x=52&imgcn.y=9.

    • 34 Article 127 bis (loi n° 99-06 du 29 janvier 1999) En matière correctionnelle, à l’exception des cas où elle est obligatoire aussi que tous les infractions prévues aux articles 56 à 100 du Code pénal si la détention provisoire est ordonnée, le mandat de dépôt délivré n’est valable que pour une durée maximum de six mois non renouvelable. »

    • 35 La durée déraisonnable des procédures: les « stratégies d’achèvement » des deux tribunaux prévoyait leur fermeture en 2010 (délai qui n’a pas été respecté), soit presque vingt ans après l’éclatement de la guerre en ex-Yougoslavie, quinze ans après le massacre de Srebrenica et la paix de Dayton et seize ans après le génocide rwandais… » Olivier De Frouville, Droit international pénal, Sources, incriminations, responsabilité, Éditions A. Pedone, 2012, page19. Le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY ou TPY) est une juridiction instituée le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies afin de poursuivre et de juger les personnes s’étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à compter du 1er janvier 1991, c’est-à-dire durant les guerres de Yougoslavie (guerre de Croatie, guerre de Bosnie-Herzégovine et guerre du Kosovo), conformément aux dispositions de ses statuts. Son siège est situé à La Haye (Pays-Bas). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est une ancienne juridiction pénale internationale mise en place le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations Unies afin de juger les personnes responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ou par des citoyens rwandais sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Son siège était situé à Arusha en Tanzanie.

    • 36 Situation en République du Tchad, Procureur général Hissein Habré, arrêt du 27 avril 2017, page 131, paragraphe 568. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf.

    • 37 Anne-Marie La Rosa, Juridictions pénales internationales, la procédure et la preuve, PUF, 2003, page 206.

    • 38 Arrêt de la Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel du 27 avril 2017, Situation en République du Tchad, Procureur général c. Hissein Habré, page 223 à 224, paragraphe 938. http://www.chambresafricaines.org/pdf/Arr%C3%AAt_int%C3%A9gral.pdf.

    • 39 Par le biais de son Fonds au profit des victimes, voir la Règle 98 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI. https://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/legal-texts/RulesProcedureEvidenceFra.pdf.

    • 40 Article 36 Statut des CAE: « Les audiences devant les Chambres africaines extraordinaires, sous l’autorité du Procureur général, sont filmées et enregistrées afin d’être diffusées sauf si cela contrevient aux mesures nécessaires à la protection des témoins et autres participants ».

    • 41 « Le CNRA s’élève contre le projet de retransmission audiovisuelle du procès Hissein HABRE: la justice ne s’accommode pas de spectacle ». http://www.cnra.sn/do/le-cnra-seleve-contre-le-projet-de-retransmission-audiovisuelle-du-proces-hissein-habre/2/.

    • 42 Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et de la Cour pénale internationale.

    • 43 Anne-Marie La Rosa, Juridictions pénales internationales, la procédure et la preuve, PUF, 2003, page 282

    • 44 Cour internationale de justice, Affaire relative au mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c. Belgique, page 26, paragraphe 60.

    • 45 « Art. 1bis. <inséré par L 2003-08-05/32, art. 13; En vigueur: 07-08-2003>
      § 1er. Conformément au droit international, les poursuites sont exclues à l’égard:
      - des chefs d’Etat, chefs de gouvernement et ministres des Affaires étrangères étrangers, pendant la période où ils exercent leur fonction, ainsi que des autres personnes dont l’immunité est reconnue par le droit international;
      - des personnes qui disposent d’une immunité, totale ou partielle, fondée sur un traité qui lie la Belgique.

      § 2. Conformément au droit international, nul acte de contrainte relatif à l’exercice de l’action publique ne peut être posé pendant la durée de leur séjour, à l’encontre de toute personne ayant été officiellement invitée à séjourner sur le territoire du Royaume par les autorités belges ou par une organisation internationale établie en Belgique et avec laquelle la Belgique a conclu un accord de siège. ». http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/loi_a1.pl?DETAIL=1878041701%2FF&caller=list&row_id=1&numero=1&rech=9&cn=1878041701&table_name=LOI&nm=1878041750&la=F&dt=CODE+D%27INSTRUCTION+CRIMINELLE&language=fr&fr=f&choix1=ET&choix2=ET&fromtab=loi_all&trier=promulgation&chercher=t&sql=dt+contains++%27CODE%27%26+%27D%27%26+%27INSTRUCTION%27%26+%27CRIMINELLE%27and+actif+%3D+%27Y%27&tri=dd+AS+RANK+&imgcn.x=52&imgcn.y=9.

    • 46 Affaire Pascal Simbigangwa. http://www.rfi.fr/afrique/20161024-france-justice-rwanda-genocide-proces-appel-pascal-simbikangwa-assises-bobigny-geno.

    • 47 Alioune Fall, L’affaire Hissène Habré, aspects judiciaires nationaux et internationaux, page 35, L’Harmattan, 2013.


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